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samedi 21 mai 2011

Les Trolls

Lorsque je lance le mot Troll, vous pensez directement au Seigneur des anneaux et vous faites bien... Tolkien s'est grandement basé sur l'origine même de ces derniers (entre-autres) lors de la rédaction du livre cité plus haut, sans oublier l'incontournable : Bilbo le hobbit. Mais plus sérieusement, qu'est ce qu'un Troll, et qu'elle est sa véritable origine ?

Troll
Illustration de Vikingmyke.

Le Troll à la loupe :

Le Troll ou Trold, provient de la mythologie Nordique. Descendants probables de la lignée de Jotün (Géants des origines, en opposition aux Dieux nordiques et incarnant les forces du Chaos). Élémentaires des rochers ou des bois, ces derniers se distinguent par leur force colossale, leur apparence grossière (que certains pourrait qualifier de repoussante) et leur intellect des plus limité (ce dernier point est discutable par-contre). Vaincus par les dieux aux jeunes temps du monde, ils se terrent dans une forteresse en attendant le Ragnarök afin de prendre leur revanche.

La mythologie populaire leur a fait traverser les âges sous des formes parfois "amusantes" (notamment la mythologie scandinave qui en fait de grands êtres poilus et lents à réagir), pendant que le rôlisme en a fait une véritable caricature dénaturée... Dans les sagas de fantasy, le Troll typique sera souvent de grande taille, verdâtre avec des cheveux sales, un long nez crochu, des dents recourbées qui se frayent un chemin hors de son énorme gueule, un air stupide, voir parfois un nombre de têtes qui dépasse de loin la simple unité (il semble que certains Trolls mythiques possèdent cette caractéristique au point parfois d'avoir plus de neuf têtes)... bref, de quoi faire des cauchemars. Habitants des forêts et montagnes, les Trolls se doivent de rejoindre leur royaume souterrain lorsque le jour se lève, sous peine de se voir changés en statues de pierre (design mais un peu trop encombrant pour remplacer le nain de jardin aux joues rebondies).

Troll
Troll des forêts.

Incarnation des forces de la nature (logique vu que liés au chaos), vus tardivement comme des petits êtres malfaisants voire des Géants coiffés de sapins (très esthétique et à la mode cette année). Il est bon de savoir distinguer les Skovtrolds (Trolls des bois), et les Bjerg-Trolds (Trolls des montagnes). Ces derniers vivent en communauté dans des palais souterrains d'une beauté fascinante (ils sont souvent très riches vu qu'ils amassent des monticules d'or et d'argent qu'ils extraient de la montagne), et loin de tout bruit (qu'ils abhorrent, même si je me demande si ce dernier point n'est pas lié au poème "Beowulf"). A l'occasion, il leur arrive d'enlever les bébés humains pour les remplacer par un des leurs (appelé Changelin bien que ce terme soit assez vaste au niveau des peuples de Faerie). Le terme Troll a de nombreuses significations mais fait fortement référence à la magie, l'enchantement,... bien qu'en Danois le mot "Trolsk" puisse se traduire par effrayant (au sens littéral de hanté), sans oublier le mot Trold qui pourrait signifier : nuire à quelqu'un ou blesser quelqu'un.

Dans un cadre plus récent, certaines variétés de Trolls ont pu être découvertes : Le Bergrisar : Troll Scandinave si grand, qu'il se confond avec les montagnes mais, si lent que des pins poussent sur sa peau. Sans oublier les Havtrolds Danois, variété aquatique vivant au fond de l'eau et siégeant sur des trônes de nacre. Les plus dangereux Trolls vivent en solitaires dans des huttes cachées au sein de la forêt. Dotés aussi d'un puissant odorat, ces derniers sont sans doute à l'origine des récits qui décrivent le Troll comme un grand amateur de chair humaine (suivant encore une fois des sources plus jeunes qui coïncident avec l'avènement du christianisme, qui a eu tendance à diaboliser les anciennes traditions). 

Les Trolls sont par contre de manière plus générale, dotés de pouvoirs magiques afin d'adopter n'importe quelle forme (animaux, objets voire éléments naturels) dans le but de tromper les humains afin qu'ils fassent leurs quatre volontés (ils sont également capables de se rendre invisibles). Cette capacité est assez paradoxale d'ailleurs avec la réputation de bêtise que certains mythes ou récits semblent leur prêter...

Troll
Illustration de Kerem Beyit.

Le massacre de Grendel :

Le monstre le plus reconnu en matière de folklore, est certainement Grendel (pour ceux qui ne voient pas, allez voir le film d'animation : "La légende de Beowulf", qui est sorti en 2007, il est loin d'être totalement fidèle au poème, mais il vous éclairera déjà un peu plus sur la question). Il s'agit donc d'un Troll aquatique (probablement un membre de l'espèce des Havtrolds) vivant dans les marais, qui chaque nuit, venait dévorer un guerrier du roi du Danemark Hrothgar, jusqu'au jour où le jeune Beowulf arrive et se propose de tuer le monstre ou de perdre la vie en s'y essayant. 

Le soir venu, caché parmi les ombres, notre héros se jete sur Grendel et, voyant que ses armes sont sans effet sur sa peau, bien trop dure, il poursuit le combat à mains nues pour finalement arracher un bras à la bête qui s'enfuit en hurlant... Beowulf découvrira le lendemain qu'un guerrier s'est fait à nouveau emporter (cette fois par la mère de Grendel afin de venger son fils) et décidera de traquer l'auteur de ces méfaits afin d'en finir une bonne fois pour toutes...

Troll
Superbe Troll illustré par Devon Cady-Lee.

Les haut-faits de Béowulf :

L'extrait qui va suivre est tiré du poème épique : "Beowulf", tout droit sorti de la littérature anglo-saxonne. Il est probable que le texte a été composé entre le VIIème et le IXème siècle (une large fourchette j'en conviens). Deux théories semblent s'opposer sur l'origine de ce poème. La première est qu'il a été composé à la base par des scaldes (poètes nordiques) scandinaves, pour être ensuite modifié plus tard par les scribes chrétiens. La seconde, plus simple, serait qu'il a été créé par un scribe chrétien, fort inspiré par les mythes nordiques. 

Je penche pour ma part pour la première solution. Le texte en lui-même semble avoir un style assez disjoint, conséquence probable d'une traduction successive au fil des générations et où chaque traducteur l'a altéré à sa manière... Donc sans plus tarder, passons à l'extrait de ce fameux poème, qui se déroule peu après la victoire de Beowulf sur le Troll Grendel et la mort d'Aeschere (le guerrier le plus fidèle du roi).

Strophe XXI :

Le repaire des monstres :

Hrothgar, casque et panache des Scyldiens, prit la parole :
"Ne parle pas de Bonheur ! Le chagrin a repris
chez le peuple danois. Aeschere est mort,
frère aîné d'Yrmenlaf.
Il était mon confident et mon conseiller,
à mon côté en première ligne
quand dans la mêlée nous défendions nos crânes,
que les sangliers des casques volaient en éclats. Preux exemplaire,
très noble prince, tel fut Aeschere.
Dans mon Palais-du-Cerf il a été tué
par une créature à la main meurtrière. Je ne sais où
la bête hideuse, folle d'orgueil, est repartie,
révélée par ce crime. Elle s'était ainsi vengée
de ce que la nuit dernière tu as tué Grendel,
l'empoignant farouchement de ta main infaillible,
car il décimait, détruisait depuis trop longtemps
les gens de mon clan. Il s'est écroulé vaincu,
force du mal décidée à venger son proche,
poussant loin la vindicte,
comme s'en convaincra plus d'un vassal
au terme d'une longue traque, sacrifiera sa vie,
son corps sur la rive, plutôt que de se résigner
à y plonger et cacher sa tête. Ce n'est point là endroit plaisant !
Un tournoiement de vagues jaillit de la surface, soulève
d'effroyables tempêtes jusqu'à faire s'enténébrer le ciel
et pleurer le firmament. Voici que la solution dépend
une fois de plus de toi seul. Tu ne connais pas encore le lieu,
l'endroit périlleux où tu pourras débusquer
l'être aux mille crimes, va si tu l'oses !
Pour prix de ta campagne je te donnerai richesses,
antiques trésors, comme je l'ai déjà fait,
de l'or travaillé - si tu en reviens."

Troll
Troll dans sa demeure souterraine.

Strophe XXII :

Nouvelle expédition de Béowulf :

Beowulf, fils d'Ecgtheow, prit la parole :
"Ne t'afflige pas, toi qui es sensé ! Il est plus noble
de venger qui l'on aime que de multiplier les lamentations.
Chacun d'entre nous connaîtra fatalement la fin
de sa vie en ce monde : travaille qui le peut
à sa gloire avant de mourir, voilà pour le guerrier
une fois mort la survie la plus noble.
Debout, gardien du royaume ! Sortons vite
repérer la trace de cette créature de la race de Grendel.
Je te le promet : elle n'échappera pas où qu'elle se cache,
au fond de l'océan, où qu'elle aille.
Pour l'heure endure avec patience
tous tes malheurs, tu sauras le faire, j'en suis sûr."

Expédition à l'étang des monstres :

 - Pour une meilleure compréhension, j'ai scindé l'extrait en plusieurs parties. Ne vous étonnez pas également si certains morceaux semblent manquer, ils ont été retirés à dessein, car ils n'étaient pas spécialement à leur place dans cet article.

D'un bon se dressa le vieillard.
Puis Hrothgar fit harnacher son cheval,
destrier au crin tressé. Le sage roi
ouvrit la route avec majesté suivi de guerriers à pied
portant boucliers. Les traces,
après les sentes forestières, s'étendaient à perte de vue,
la piste sur le sol se dirigeait droit
au-delà de la lande brumeuse, emportant
le corps sans vie du plus noble des vassaux
qui aux côtés de Hrothgar veillait sur le domaine.
Le fils de princes affronta alors
rocs escarpés, étroits lacets,
passages resserrés, chemins inconnus,
roides corniches, maints repaires de monstres.

Troll
Magic fait dans l'original avec ce Troll des tréteaux de Peter Mohrbacher.

Il alla de l'avant avec un petit groupe
d'hommes expérimentés explorer les lieux.
Il découvrit soudain à flanc de montagne
un fouillis d'arbres dominant la roche grise,
un hallier désolé. Dessous s'agitait de l'eau,
trouble et ensanglantée. Tous les Danois,
et les amis des Scyldiens eurent un choc
dur à supporter, une peine qui toucha
chacun des compagnons quand ils trouvèrent
sur le rebord du gouffre la tête d'Aeschere.
Ils voyaient l'eau bouillonner sous l'action
du sang brûlant. La corne chanta à plusieurs reprises
la poignante note du combat. Les hommes s'arrêtèrent.
Ils aperçurent près de l'eau comme de nombreux serpents,
d'étranges dragons fouillant l'étang,
tandis que sur les corniches s'étalaient de ces monstres
qui, vers la troisième heure, lancent
leur raid cruel sur la route des voiles -
reptiles et bêtes sauvages. Ils plongèrent,
amers et courroucés, en entendant le bref
chant de la corne de combat. L'un d'eux reçut
du chef des Gauts une flèche mortelle,
Invalidante. En plein centre vital s'était fiché
le dard implacable, et l'animal flottait,
s'alanguissait à mesure que la mort l'emportait.

Le terme Dragon employé dans le paragraphe ci-dessus, doit faire référence aux serpents (pour en savoir plus, lisez le texte sur Nidhogg).

Troll
Illustration de John Wigley.

Beowulf s'apprête : 

Il fut vite harponné à la surface des flots
par des épieux à sangliers aux crocs tels des glaives,
pressé de coups halé sur le rebord :
extraordinaire monstre marin. Les hommes contemplèrent
l'effroyable inconnu. - Beowulf se revêtit
de son armure de preux sans montrer la moindre peur.
Sa tunique de guerre, tissée par des mains expertes,
ample et chatoyante, allait devoir affronter l'eau
tout en protégeant le corps comme elle savait le faire,
de sorte qu'elle éviterait qu'un coup en pleine poitrine,
l'assaut d'une bête furieuse mette la vie en danger,
tandis que le heaume étincelant protégerait la tête
quand il irait agiter les profondeurs de l'étang,
s'enfoncer dans le tourbillon - heaume enrichi de joyaux,
entouré d'une forte résille, tel qu'aux jours d'autrefois
l'armurier l'avait forgé, façonné à merveille,
orné d'images de sangliers afin que nulle épée,
nul coutelas ennemi ne puisse y mordre.
Et nullement inférieure aux autres pièces de renfort
fut celle que prêta pour la périlleuse occasion le parleur de Hrothgar.
Cette épée à longue fusée avait pour nom Hrunting,
c'était une pièce unique parmi les antiques trésors,
sa lame était d'un fer où luisaient des brins de venin,
trempé au sang des combats. Jamais dans la mêlée n'avait-elle failli
à quiconque la brandissait bien en main
qui osait se lancer en terribles expéditions,
en plein champ de bataille. Ce n'était pas la première fois
qu'elle eût à faire prouesse.
Le fils d'Ecglaf, expert en exploits,
ne pensait certes plus à ce qu'il avait dit,
échauffé par la boisson, en prêtant cette arme
à un plus noble manieur d'épée. Lui-même n'osa pas
risquer sa vie sous le tumulte des vagues,
prouver sa valeur : il y perdit sa gloire,
son renom de héros. Rien de tel pour son partenaire
une fois achevés ses préparatifs en vue du combat.

Troll
Illustration de Kari Kuukasjärvi.

Strophe XXIII :

Lutte de Béowulf et de l'Ogresse :

Il  semble ici que le traducteur ou l'une des personnes chargée de la copie se soit admirablement planté... Au sens mythologique le Troll n'est pas à comparer avec l'Ogre (d'autant qu'ils ne proviennent même pas des mêmes régions) mais, nous aurons tout le temps d'en reparler une autre fois.

Beowulf, fils d'Ecgtheow, prit la parole :
"Rappelle-toi, illustre fils d'Healfdene,
roi plein de sagesse, maintenant que j'entame cette épreuve,
rappelle-toi, généreux seigneur, ce dont nous sommes convenus :
si je devais en te portant secours
quitter cette vie, tu devrais désormais,
moi parti, agir comme un père à mon égard.
Protège de ton bras mes jeunes compagnons,
mes proches camarades, si la mort au combat m'emporte.
De même, vénérable Hrothgar, envoie à Hygelac
les trésors que tu m'as donnés.
Le seigneur des Gauts, à la vue de cet or,
lui le fils de Hrethel, en contemplant ce trésor,
pourra se rendre compte que j'ai trouvé
un noble seigneur dont la munificence m'a comblé.
Et remets à Hunferth au vaste renom
son antique héritage, l'épée ondoyante,
le fer inentamable. Avec Hrunting
j'acquerrai la gloire ou bien la mort m'emportera. "

Sur ces mots le chef des Gauts-Wèdres
s'élança héroïquement sans attendre
de réponse. Le bouillonnement des vagues se referma
sur le guerrier. Une bonne partie du jour se passa
avant qu'il pût constaté qu'il avait atteint le fond.
Aussitôt la bête qui sur l'espace aquatique
régnait férocement depuis cent saisons
en impitoyable rapace perçut qu'un humain
était descendu explorer le domaine des êtres étranges.
Alors elle l'agrippa, s'accrocha au guerrier
par ses horribles griffes sans néanmoins mettre à mal
son corps, demeuré sauf : son enveloppe de mailles le protégeait
la tunique aux mailles entrelacées, en y enfonçant ses doigts haineux.
Alors la louve des mers, une fois touché le fond,
traîna dans son repaire le prince et sa carapace,
ainsi empêché, malgré toute sa bravoure,
de brandir ses armes, tandis qu'une foule de monstres
le harcelait dans l'eau, que de nombreux fauves aquatiques
voulaient de leurs crocs déchirer son vêtement de combat,
qu'il était la cible de terribles ennemis. Puis le héros
se retrouva dans une sorte de grand-salle peu amène
où il échappa à l'élément liquide,
le plafond le mettant hors d'atteinte
de l'assaut des flots. il aperçut un foyer :
la flamme claire brillait de tout son éclat.

Troll
Représentation de Grendel par Alex Shatohin.

Le noble héros vit alors la réprouvée des abîmes,
la puissante femelle de l'étang. Il asséna un grand
coup d'épée, son bras ne retint pas la course de l'arme
si bien que sur le crâne du monstre le glaive ouvragé
fit retentir son chant vorace - mais, à la surprise de l'intrus,
l'épée flamboyante refusa de mordre,
de causer mortelle blessure : l'épée faillit à son maître
au pire moment. Elle avait pourtant enduré
plus d'un affrontement, brisé plus d'un casque,
enfoncé la mort à travers les mailles. Pour la première fois
le précieux joyau manquait à son renom.
Il redoubla d'ardeur, sans perdre courage,
ne songeant qu'à sa gloire, lui, le neveu d'Hygelac.
Il jeta l'épée finement ouvragée
dans sa colère de guerrier : la voilà gisant à terre,
roide et froide lame d'acier. Il s'en remit à sa propre force,
à la puissance de sa poigne. Ainsi doit faire
celui qui au combat veut obtenir
durable louange : il ne songe guère à sauver sa vie.
Le chef des Gauts-Belliqueux, sans état d'âme,
saisit la mère de Grendel par l'épaule
et, implacable, plein de fureur, fit basculer
sa mortelle ennemie et la plaqua au sol.
Elle riposta aussitôt toutes griffes dehors
en s'agrippant à lui. Alors trébucha
sous le choc le plus solide des guerriers,
les jambes se dérobèrent, il tomba.
De sa masse elle pesa sur son visiteur, tira son coutelas
à lame large et brillante, décidée à venger son fils,
son unique progéniture, mais il avait sur les épaules
le corselet aux mailles entrelacées, qui lui sauva la vie
en interdisant d'entrer à la pointe ou au fil du coutelas.

Selon l'auteur de cette version de Beowulf, les "Ogres" (décidément c'est une manie...) possèdent un cuir aussi résistant que celui des Dragons (on appelle ça des écailles chez nous), qui résiste aux armes des hommes. La seule manière de les pourfendre est d'employer contre eux leurs propres armes gigantesques (je ne sais pas d'où l'auteur tire cette information, mais une chose certaine : nous n'avons pas dû lire les mêmes livres).

Le fils d'Ecgtheow, le chef des Gauts
aurait péri au profond du vaste monde
si son armure, les dures mailles du corselet
ne l'avaient secouru,
une heureuse issue une fois que le héros fut à nouveau debout.

Troll
Représentation d'un des fameux Trolls de glace de Skyrim.

Strophe XXIV :

Victoire grâce à l'épée des Titans :

Bon là on passe de l'Ogre au Titan... autant dire que le type chargé d'écrire les titres des strophes, avait le respect du mythe dans ses dernières priorités (les Titans sont originaires de la mythologie grecque pour information, ils sont donc à des lieues des terres nordiques).

Il vit entre les autres armes un glaive de vainqueur,
une antique épée de géant au dur tranchant,
fierté de combattant. C'était la plus belle des armes
encore que sa grande taille eût empêché tout autre guerrier
de l'emporter au jeu du combat,
magnifique chef d'oeuvre des Titans.

Beowulf contre la mère de Grendel
Beowulf face à la mère de Grendel (par Noel D. Hill).

Le champion des Scyldiens la saisit par la garde,
brandit l'épée ouvragée avec fureur,
et, au péril de sa vie, en frappa un coup plein de colère
qui atteignant violemment la bête au cou
lui brisa les vertèbres. Le glaive trancha de part en part
le corps, et la vie : la bête s'écroulant sur les dalles.
L'épée suait le sang, le guerrier exulta.
L'épée flamboyait, il faisait jour à l'intérieur
autant que brille sur la terre
le flambeau du firmament. Le héros inspecta la salle,
il en fit le tour ; le vassal d'Hygelac
tenait droite son arme, bien en main,
farouche et résolu. L'épée n'avait pas encore
fini de servir : il avait hâte
de faire payer à Grendel les nombreuses attaques
qu'il avait menées contre les Danois-du-Couchant
un nombre incalculable de fois :
il avait massacré les commensaux de Hrothgar
en plein sommeil, il avait dévoré quinze
victimes prises parmi les Danois
et emporté quinze autres
comme affreux butin. L'implacable champion
le lui fit payer si cher que sous ses yeux
gisait Grendel épuisé par la lutte,
sans vie, si funeste lui avait été
le combat au Palais-du-Cerf. Le corps fait un bond
quand Grendel mort reçut le coup
impitoyable de l'épée et fut décapité.

Troll

Retour victorieux de Beowulf :

Sitôt que les gens avisés
qui aux côtés de Hrothgar scrutaient l'étang
virent s'accentuer l'agitation des vagues
et les eaux se teinter de sang, ces vieillards chenus
qui entouraient le noble roi furent unanimes à dire
qu'ils perdaient tout espoir concernant le prince,
de le voir victorieux revenir
auprès de leur illustre chef. De l'avis général
la louve des eaux l'avait mis en pièces.
Lorsque arriva l'heure de none, les vaillants Scyldiens
quittèrent la corniche, et leur généreux seigneur
prit le chemin du retour. Les hôtes gauts restèrent,
l'âme abattue, le regard fixé sur l'étang.
Ils souhaitaient sans y croire qu'ils reverraient
leur aimable seigneur. - Puis l'épée se mit
sous l'effet du sang à se dissoudre en terribles stalactites,
le glaive à disparaître. C'était grande merveille
que l'arme fondît tout entière, pareille à la glace.
Le prince des Gauts-Wèdres ne prit de ces lieux
nul autre trésor, bien qu'il en aperçût beaucoup,
que la tête du monstre ainsi que la poignée du glaive
d'or chatoyant. L'épée avait fondu,
son damas avait disparu sous la chaleur du sang
et l'effet du venin du démon, mort dans ses murs.

L'auteur de cette version semble soutenir mordicus que le sang de ces créatures était aussi brûlant que celui des Dragons au point de faire fondre l'acier. Autre petite précision, "l'heure de none" désigne la neuvième heure du jour. Pour les Romains, le jour comme la nuit étaient divisés en douze heures égales. On peut donc situer "l'heure de none" aux environs de quinze heures.

Le héros se hâta de repartir à la nage, ayant survécu
aux assauts des fauves, il remonta en fendant les eaux.
Les vagues tourbillonnantes étaient entièrement purifiées
sur tout leur vaste domaine depuis que le démon
avait quitté la vie et ce monde éphémère.
Le héros, casque et panache de ceux qui traversent les flots,
nagea résolument jusqu'à toucher terre. Il se réjouit
du lourd butin qu'il avait rapporté avec lui.
Ses compagnons vinrent à sa rencontre,
groupe imposant de vassaux heureux de retrouver leur chef,
de le revoir sain et sauf.

Troll
Un Troll des jungles (illustration de Pierra Vianello).

On se hâta d'ôter au vigoureux guerrier
heaume et cotte de mailles. Le lac s'était apaisé,
ses eaux sous le ciel nuageux gardaient la couleur du sang.
Le groupe quitta l'endroit, reprit sa marche,
l'âme en liesse on suivit le chemin,
la route connue. Avec une royale hardiesse
les hommes tirèrent de la falaise la tête du monstre,
non sans effort malgré le courage de chacun
d'entre eux. Il fallut quatre hommes
pour porter avec difficulté, fixée à une pique sanglante,
la tête de Grendel jusqu'au riche palais.

Enfin arrivèrent à la grand-salle
les farouches guerriers, les quatorze
Gauts et, les accompagnant, leur seigneur
traversa le parvis, fier au milieu du groupe.
Puis le prince pénétra à l'intérieur,
couvert de gloire après tant d'exploits,
combattant héroïque, pour saluer Hrothgar.
Ensuite on apporta en pleine salle, tenu par la chevelure,
le chef de Grendel, effrayant spectacle
pour les guerriers assemblés, et pour la reine au milieu d'eux,
spectacle prodigieux pour qui le contemplait.

Ainsi se termine l'extrait de "Beowulf". Ce texte dépeint les Trolls d'une façon peu glorieuse (sans doute à cause des derniers copistes rangés sous la bannière du catholicisme) au point d'en faire l'incarnation du mal  (le fait que l'étang redevienne "normal" au moment où la mère de Grendel pousse son dernier soupir, en est une parfaite illustration).

Troll
Thrun, le dernier Troll (par Jason Chan).

Si je me suis servi de cet exemple en premier, c'était bien entendu dans une but bien précis vous vous en doutez. Il existe d'autres Trolls "célèbres", mais ces derniers ne sont populaires que dans le folklore nordique. De plus, ils ne ressemblent pas toujours à ceux cités plus haut, tant par l'apparence que par le caractère. Le chapitre suivant vous montrera quelques illustres Trolls ainsi que des espèces beaucoup moins connues que celles citées au début de cet article, vous pourrez voir qu'il existe une extraordinaire variété de tailles, couleurs, genres, moeurs dans cette famille d'Élémentaires. 

Ces Trolls renommés :

Comme le Troll est associé aux éléments, il est parfaitement capable de se fondre dans le décor. Il est souvent considéré comme associé à la terre mais il est possible de le croiser partout où la nature est restée sauvage (dans les terres nordiques du moins). Je vous offre donc une petite liste des Trolls les plus marquants mais également des espèces les plus curieuses.

Trunt Trunt : Malgré mes recherches, je n'ai pas pu rassembler grand-chose sur ce fier représentant de la race des Élémentaires, si ce n'est qu'il est considéré comme le père de tous les Trolls.

Dovre-Gubben (ou Dovregubben) : Il est le souverain des Trolls des alpages (certaines mauvaises langues disent qu'il doit son titre au fait qu'il arbore la queue et le nez les plus longs de l'histoire de l'espèce). Ce vénérable roi de la terre vît à l'intérieur de la montagne de Dovre avec sa cour. Il est possible de trouver des traces de Dovre-Gubben dans la littérature. En effet, ce dernier est maintes fois décrit dans "Peer Gynt" (un drame poétique devenu pièce de théâtre écrit en 1866 par Henrik Ibsen).

Dovre-Gubben
Représentation de l'auguste Dovre-Gubben.

Jotul (ou Jutul de la montagne bleue) : Vu comme un antique dieu Troll des glaciers, il semble que ce dernier ait découvert un nouveau passe-temps avec l'arrivée du christianisme. Il avait en effet pris pour habitude, afin de tuer le temps, de jouer aux quilles en prenant pour cible les églises que les paysans avaient le culot d'ériger sur ses domaines.

Sjotroll (aussi appelé Drang-Drangen) : La gueule toujours ouverte sur un gouffre hérissé de crocs acérés, Sjotroll est un gigantesque Troll des mers. Le corps couvert d'algues et d'herbes marines, il sort de l'onde les jours de tempêtes et crée des raz-de-marée en frappant les vagues de ses vastes mains palmées.

Sjotroll
Sjotroll déchaînant sa fureur.

Fossgrimen (ou Fidler) : le terme "foss" signifie cascade ou rapide, "grim" laid, hideux et pourtant ce Troll des torrents n'a rien de repoussant, que du contraire ! Ses cheveux sont blonds, son corps harmonieux et soyeux et il joue merveilleusement du violon. Peut-être trop divinement en fait... car grâce à ses mélodies envoûtantes, il charme et attire les passants afin qu'ils plongent au fond des flots tumultueux de son repaire.

Les Brotrollet : Cette sous-espèce a donné naissance a bien des contes (rappelez-vous les fameuses histoires de ponts qui abritaient souvent un Troll en dessous). Ce charmant Élémentaire a pour habitude de s'approprier les ponts non pas pour dévorer les badauds, mais bien pour réclamer un droit de passage (même aux autres Trolls, c'est dire comme son avarice est proverbiale) et gare aux mauvais payeurs...

Brotrollet
Un Brotrollet par Larry MacDougall.

Les Tuftefolk : Ces créatures semblent par alliance et mariages avec les Nisse et Tomte (sorte de Lutin nordique pour faire dans la caricature rapide) s'être rapprochés des maisons et des fermes des mortels, sans pour autant se laisser domestiquer (et c'est heureux).

Les Vesle Tomten : Il s'agit d'un Troll qui a perdu ses caractéristiques physiques au profit de celles du Tomte, mais a conservé ses instincts. Il influence les animaux à reprendre leur liberté, encourage les taureaux à encorner, les chèvres à tuer, les chiens à mordre, les taons à piquer...

Les Tusslader (ou les garnements du tunnel) : La caractéristique qui frappe le plus est qu'ils sont petits, si petits qu'on ne les remarque pas, mais leurs méfaits sont si terribles qu'il vaut mieux abandonner le logis qu'ils ont parasité. Aucune ruse, talisman, aucun exorcisme ne parvient à les déloger.

Troll
Illustration apaisante (de Larry MacDougall). 

Les Trollkärringar (ou Trollpackor voire Trollkonor ainsi que Trollkoner) : Elles sont les épouses Trolls et possèdent certains pouvoirs magiques. Ces Trolls femelles sont fort semblables à leurs époux (au niveau des standards de beauté).

Les Huldres : Je réserve ces charmantes Élémentaires pour un jour prochain (donc en attendant faites preuve de patience).

Des Trolls et des chrétiens :

Après avoir vu ces nombreuses espèces de Trolls, nous pouvons facilement déduire que ces derniers incarnent le côté sauvage et indomptable de la nature elle-même. Nous assistons d'ailleurs à une métamorphose de leur part lorsque le culte des chrétiens a commencé à prendre de l'ampleur dans les terres du nord, une sorte d'adaptation en réaction au fanatisme que mettaient certains missionnaires chrétiens à convertir le peuple. 

Troll
Superbe illustration de Larry MacDougall (à nouveau).

Le plus "illustre" d'entre-eux (de par sa sinistre réputation) n'est autre que : Thangbrandr. C'est vers le XIème siècle que cet infâme personnage, sous les ordres du roi Olafr Tryggvason, s'est mis en devoir, de convertir les habitants de l'Islande par des méthodes douteuses. En effet, ce missionnaire semble avoir pratiqué un prosélytisme fort discutable au point d'avoir laissé derrière-lui quelques cadavres... Dénué de scrupules, ce dernier, selon la légende, aurait tué deux poètes qui auraient eu "l'impudence" de le critiquer dans leurs vers, trucidé un sorcier (peut-être un Thulr) qui lui aurait jeté une malédiction et combattu un guerrier païen, en parant ses coups d'épées à l'aide d'une croix (j'ai un gros doute sur la véracité de ce passage là).

Chose "amusante", après l'intégration du christianisme au sein du folklore scandinave, les Trolls ont commencé à développer une haine pour les cloches d'églises et l'odeur des chrétiens.

De façon plus moderne, quand une personne est appelée : Troll, il s'agit alors de quelqu'un qui est capable de manger de la chair humaine ou qui commet d'autres actes socialement inacceptables (comme le viol par exemple)...

Troll

Conclusion :

Les Trolls sont pour moi une splendide incarnation de la nature sauvage, une sorte de rappel qu'aussi généreuse qu'elle soit, cette dernière peut se montrer cruelle, surtout lorsque nous abusons de ses dons. Si vous avez la chance un jour de partir dans le nord :

"Scrutez là où le torrent gronde, où la montagne est vertige, où l'eau devient regard et la racine visage."- Pierre Dubois.

Et peut-être aurez-vous la chance d'apercevoir l'un de ces paisible colosse, en train de scruter l'horizon afin d'admirer le flot du temps.

Idraemir

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