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mardi 30 juillet 2013

Les Selkies, une romance tragique

Nous avons déjà fait une brève escale au cœur de l'Écosse afin d'approcher les belliqueux Redcaps. Un voyage plus au nord s'impose désormais. Si ce fier pays est un tapis d'émeraude constellé de lacs à la clarté opalescente, il ne faudrait pas oublier les îles qui la bordent.

C'est aux abords des Orcades et des Iles Shetland, au cœur des flots, que se niche le sujet de notre attention. Un groupe de "phoques" s'ébat paisiblement sous la surface bleutée de la mer remontant de temps à autre à l'air libre afin de prendre une goulée d'air. Rien de bien mystique me direz-vous... et si je vous disais que ces "phoques" ont la capacité de prendre forme humaine lorsqu'ils regagnent la terre ferme, qu'ils sont à l'origine de bien des histoires d'amour qui se sont terminées tragiquement, ou qu'ils ne sont ni des animaux ni des humains mais bien des Élémentaires aquatiques (certains emploient le terme "phoques-Fées" mais, ce dernier étant trop proche de la vision qu'avaient les Romantiques du XVIIIème siècle des Élémentaires... je m'abstiendrai de le faire à mon tour). Pensez-vous toujours que ce spectacle soit banal ?

Rejoignons donc ces splendides créatures océanes et plongeons-nous dans une romance mâtinée d'embruns qui en fera larmoyer plus d'un...

Selkie
Les Selkies parcourant les flots (par Stephanie Law).

Les Selkies, description générale :

On les appelle le plus souvent Selkies, ils sont parfois désignés comme "le peuple phoque", en Écosse ils peuvent porter le nom d'Haaf-Fish, en Bretagne ils sont reconnus sous le titre d'Otariens (Otarelles au féminin), Roanes est le nom que les Irlandais leur donnent et en Angleterre ils sont parfois appelés Silkies, Selchies ou encore Sea Trows.

Les représentations les plus brouillonnes des Selkies les dépeignent comme des femmes phoques qui vivent principalement dans les mers qui cernent les Iles Shetland. Elles sont vêtues de peaux de phoques qu'elles ôtent sur la terre ferme prenant alors la forme de magnifiques jeunes femmes qui passeront la nuit à danser sous l'éclat lunaire... Le mythe est un petit peu plus complexe et fourni que cela, vous allez vite pouvoir le constater.

Les Selkies à la loupe :

Tout d'abord, le peuple phoque est loin d'être cantonné en Écosse - au sein de ce pays, il est possible de dénicher des mythes sur les Selkies dans les Orcades (un archipel composé de 67 îles et situé au nord de l'Écosse), les Shetland (archipel situé au nord des Orcades et à l'ouest de la Norvège). En effet, on en trouve des traces dans les Iles Féroés (situées entre la mer de Norvège et l'Océan Atlantique Nord donc, plus ou moins entre l'Islande et l'Écosse) en Irlande (comme vous avez pu déjà le lire plus haut) et bien entendu au large des côtes de la Bretagne.

Selkie
Illustration de Dan Mills.

Le mot Selkie (à l'origine "selich") est en fait un dérivé du vieux parler des Scots - il s'agit d'un peuple celtique originaire de l'est de l'Irlande. Ces derniers auraient colonisé l'Écosse après le retrait des dernières troupes romaines de la terre des Angles en 423 après Jésus Christ, ce qui expliquerait le nom du pays "Scotland" qui pourrait se traduire littéralement par : "le pays des Scots". En vieil anglais ("old english") Selkie se dit "seolh", qui signifie tout simplement phoque (ce gracieux mammifère aquatique est appelé "seal" en anglais moderne).

Maintenant que vous savez où trouver les Selkies et quelle est l'origine de leur nom, il serait plus que temps d'en faire une description plus poussée que celle évoquée plus haut... Tout d'abord et malgré ce que disent certains auteurs, les Selkies ne sont pas exclusivement composés de membres féminins, loin s'en faut... il serait même plus logique de dire qu'il existe autant de représentants mâles que de femelles (n'allez pas voir ce terme comme une appellation sexiste je vous saurais gré). La rareté des représentants masculins de l'espèce est surtout dû au fait que la plupart des légendes sur le sujet mettent la femme phoque au premier-plan de l'histoire tandis que le mâle fait plus office de figurant (pour ce qui est des illustrations où le mâle est quasi-absent également, je suppose qu'il s'agit simplement du fait que c'est plus vendeur... ne vous en déplaise).

Selkie
Une des rares représentations d'un Selkie mâle (par Zirasharia).

Plutôt que de tomber dans un débat d'anthropologie teinté de féminisme, passons à la description purement physique de ces créatures. Les Selkies sous leur forme de base sont pareils à des phoques tandis que leur forme humanoïde leur donne l'apparence de magnifiques femmes/hommes (leur beauté est quasi-hypnotique). Cependant, quelques détails permettent de les identifier plus clairement. Tout d'abord, ces Élémentaires ont une palmure entre les doigts nettement plus marquée que chez les humains. Ensuite, leurs yeux noirs (ou gris selon les auteurs) sont gros et ronds comme ceux des phoques (les détails qui vont suivre sur leur apparence ne proviennent que d'une seule et unique source donc, ne prenez pas tout ce qui va suivre pour argent comptant). Leur chevelure épaisse et longue ondule librement sous la caresse des flots, la couleur de ces derniers oscille entre le bleu et le vert. De corpulence mince, les Selkies sous leur forme humaine sont glabres et leur peau prend une teinte argentée.

Pour ce qui est de la vêture, la plupart des auteurs sont unanimes pour dire que le peuple phoque à pour habitude de se balader en tenue d'Adam (et Eve), si l'on excepte la peau de phoque bien entendu. Le folkloriste Pierre Dubois semble cependant plus créatif dans le domaine puisqu'il les décrit vêtus de larges ceintures naturelles composées d'écailles couleur émeraude. Ce dernier cite même un cas particulier datant du 7 mars 1521 où un monstre marin (il n'est pas précisé lequel), capturé dans la mer de Norvège aurait vomi un Otarien vêtu d'une armure en bronze souple... N'ayant aucune source qui atteste de la chose je me dois de rester sceptique même si ladite description ne serait pas pour me déplaire.

Vie et moeurs des Selkies :

Une question basique se pose en premier : que mangent les Selkies ? Et bien, du poisson tout simplement pardi ! (je suppose qu'ils ne rechignent pas à goûter aux crustacés et mollusques qui passent à portée, comme le font les phoques gris).

Selkie
Selkie en train de savourer son repas (illustré par Dr-TinyFox).

On sait par contre peu de choses sur leur habitat si ce n'est qu'ils vivent loin des côtes et profondément en haute mer. Certains prétendent qu'ils résident dans de gracieux et légers édifices constitués de perles phosphorescentes (vu encore une fois le manque de sources sur le sujet il me faudra jouer le sceptique de service).

Comme vous vous en doutez déjà les Selkies sont des créatures très intelligentes et joyeuses mais également fort timides. Ce ne sont pas vraiment elles qui cherchent à attirer les humains à eux (spécialité de bon nombre de créatures et Élémentaires aquatiques comme les Sirènes), mais bien les hommes et les femmes qui espèrent de ces rencontres l'amour...

Si les Selkies femelles apprécient grandement de s'extraire de leur forme animale (à la manière des Femmes Cygnes dont nous parlerons sans doute un jour prochain) histoire de danser et chanter sous la caresse nocturne, les Selkies mâles eux ont un caractère plus ombrageux : il leur arrive de temps en temps de déchaîner des tempêtes épouvantables dans le but de faire sombrer les navires, vengeant ainsi les massacres aveugles perpétrés par l'homme sur les habitants des fonds marins.

En dehors de cela, les Selkies mâles sont également pourvus de grands pouvoirs de séduction (leur stupéfiante beauté est un atout dans ce domaine) sur la gent féminine (humaine). Ils cherchent parfois à trouver de la compagnie auprès de celles qui ont été déçues par la vie (une épouse qui attend son pêcheur de mari en vain par exemple).

Selkie
Une jeune Selkie face aux flots déchaînés (création de Toerning).

En temps normal (encore une fois selon certaines sources) les Selkies ne gagnent la terre ferme qu'une nuit sur neuf à la veille de la Saint-Jean - fête qui se déroule le 24 Juin et où sont allumés de grands feux. La Saint-Jean est également vue comme une nuit magique où tous les enchantements et toutes les métamorphoses sont possibles. Ces festivités sont étrangement proches du solstice d'été (qui lui se déroule le 21 Juin) et donc de la fête celtique Alban Hefin où il est également question d'allumer des feux... Dès le lever de la lune le peuple phoque émerge des flots puis s'extirpe de son enveloppe soyeuse pour danser sous l'éclat de l'astre lunaire.

Des Selkies et des hommes :

Vous avez sans doute deviné qu'il n'est pas aisé de rencontrer des Otariens, toutefois, il existe bel et bien un moyen (difficilement réalisable soit dit en passant) de les faire venir à vous. Pour les amener sur la côte (pensez à ne pas faire ça au sein du Sahara), le modus operandi (mode opératoire) consiste à verser 7 larmes sincères (des versions précisent que ça ne fonctionne qu'avec les femmes... donc messieurs faute de certitudes, tentez votre chance mais n'ayez pas trop d'espoir sur le succès de votre entreprise) dans les flots pour voir jaillir des embruns un (ou une) Selkie qui quittera sa peau pour devenir votre amant ou maîtresse (si vous tentez l'expérience, faites-moi savoir si ça a marché).

Selkie
Une Otarelle enlevant sa peau par Chung Yee Ling.

Une autre méthode plus classique pour garder le Selkie auprès de vous (et ce de manière encore plus durable) est d'attendre que les Otariens gagnent le rivage (sans se faire remarquer de préférence vu qu'ils ont la fâcheuse tendance à prendre la poudre d'escampette en présence des humains) puis après qu'ils se soient dévêtus de leurs peaux, de voler l'une d'entre elles et de la cacher au nez et aux moustaches de son propriétaire. Lorsque les Selkies regagneront la fraîcheur des flots il restera un Otarien éploré qu'il ne sera guère difficile de convaincre de venir avec vous... L'Otarien demeurera à vos côtés et deviendra le plus charmant des époux (ou la plus prévenante des épouses) mais la méthode employée est franchement plus que discutable, et l'être aimé gardera en lui une énorme part de nostalgie et de tristesse envers tout ce qu'il a dû sacrifier pour partager vos jours et vos nuits (il passera le plus clair de son temps le long des plages, à contempler mélancoliquement la mer désormais inaccessible)...

Une petite précision s'impose, la peau que vous avez cachée devra le rester ad vitam aeternam (sauf si vous désirez rendre sa liberté à l'être aimé). Si par "malheur" l'Otarien parvient un jour à remettre la main sur son bien le plus cher, l'appel de l'océan se fera plus fort que tout et il rejoindra immédiatement l'élément liquide, retrouvant son peuple, sa demeure et probablement sa famille (auquel il aura été honteusement arraché des années durant).

L'infortuné humain quant à lui périra petit à petit de langueur et il ne lui sera plus possible de revoir l'être aimé qui fera tout pour éviter de le croiser (les enfants conçus avec l'Otarien auront la chance de revoir de temps en temps leur père ou leur mère qui se fera un devoir de jouer avec eux dans les flots)...

Selkie
Une création de Raeri-Chan.

Certains folkloristes peu scrupuleux ont une solution pour éviter ce genre de désagrément : détruire la peau de l'Otarien par le feu... Pour ma part je vous déconseille vivement de tenter l'aventure (si vous avez un Otarien sous la main). Cette peau est ce qui relie le peuple phoque à l'élément de l'eau qui leur est associé, ce serait comme si vous perdiez une partie de vous qui vous est chère tout en ayant un amer rappel de cette perte sous les yeux pour le restant de votre existence.

Amours et Selkies :

Les histoires qui concernent les Selkies prennent très souvent des accents de tragédies romantiques. Dans certaines légendes, les humains ignorent que l'être aimé est un membre du peuple phoque et ils finissent par se réveiller un beau matin pour constater que la couche sera désertée à jamais. Dans d'autres mythes plus courants (et déjà évoqués plus haut), les humains dissimulent la peau de la Selkie (oui je n'ai sous la main que des versions où l'Élémentaire est de sexe féminin) afin de l'empêcher de retrouver sa forme de phocidé (terme scientifique qui désigne la famille des phoques pour ceux qui l'ignorent)... une manière comme une autre de lui rogner les ailes.

S'il semble que les Selkies prennent forme humaine et quittent l'élément liquide à l'approche de la Saint-jean, un autre détail viendra s'empiler sur la liste déjà bien longue des difficultés à cohabiter avec le peuple phoque : les Selkies ne peuvent tenir compagnie aux humains très longtemps et ils se doivent de vitement rejoindre l'océan. Après cela, ils ne seront plus capables d'avoir de contact avec un humain pendant une durée de 7 années (à moins que l'humain ne dérobe la peau ou ne la cache bien entendu).

Parfois (en fait souvent), l'Otarien se prend d'affection pour l'humain qui a lié son destin au sien et un mariage se profile bien vite à l'horizon. Les années s'égrenant, les enfants ne tardent pas à poindre le bout de leurs truffes (je vous rassure ils ont bien un nez). Dans ces histoires, l'un des enfants découvre dans l'un des recoins obscurs de la demeure la peau de phoque de l'Otarien (souvent sans savoir de quoi il s'agit) et c'est le coeur déchiré que l'Élémentaire quitte sa famille pour s'immerger dans les flots.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les Selkies ne sont pas toujours représentés comme des amants "déloyaux". Dans le livre intitulé "Peter Kagan and the Wind" (Peter Kagan et le vent) écrit par Gordon Bok, le pêcheur Kagan épouse une femme phoque. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au jour funeste où Kagan s'en va pêcher tardivement dans l'année malgré les avertissements de son épouse. Il se retrouve bien vite pris dans une terrible tempête et sa femme se changera en phoque afin de le sauver. Cela aura pour conséquence qu'elle ne pourra plus reprendre sa forme humaine et demeurera séparée de son tendre époux...

Selkie
La Selkie sauvant son époux des flots déchaînés (illustration de Travis-Purvis).

La plupart des mythes qui tournent autour du peuple phoque sont fortement teintés de romance, d'autres par contre le sont beaucoup moins... Dans les Shetland il se raconte que certains Selkies prennent un malin plaisir à leurrer les insulaires qui parcourent les mers au milieu de l'été et, victimes de leurs sentiments, les hommes ne poseront plus jamais un pied sur la terre ferme (ce qui ressemble beaucoup plus aux méthodes employées par les Sirènes).

Dans d'autres contrées (que celles citées plus haut) il existe des créatures qui pourraient fort bien être apparentées aux Selkies. Au Pays de Galles par exemple il existerait un peuple d'humains dont le plus cher désir est de retourner dans le royaume marin. Certaines légendes originaires de la Suède, content également les amours déchus de changeurs de forme apparentés aux phoques. Dans la culture amérindienne, au sein du peuple Chinook (natifs américains nomades, issus de la région nord-ouest Pacifique des États-Unis) pour être précis, une légende conte les exploits d'un jeune garçon qui avait la capacité de se changer en phoque.

Selkie
De jeunes Selkies (par Dan Mills).

Une autre entité, bien plus singulière est également à mettre en lien avec le peuple phoque. Malgré sa taille colossale, cette créature semble avoir un air de famille avec nos Élémentaires. Nous aurons d'ailleurs tout le loisir de le constater...

The Great Sea Serpent (Le Grand Serpent de Mer) :

S'agit-il vraiment d'un phoque à cou de cygne ?
- Bernard Heuvelmans, Le Grand Serpent de mer.

Le titre plus haut n'est rien d'autre que le nom d'une étude assez poussée sur une sorte particulière de Serpents de Mer, réalisée par Anthonid Cornelis Oudemans - un entomologiste néerlandais du milieu de XIXème siècle. Il deviendra directeur du jardin zoologique de la Haye en 1885 et sera surtout reconnu pour son étude sur la créature qui va suivre (Bernard Heuvelmans le Belge qui a fondé la cryptozoologie, considère que ce livre est le début de cette discipline fascinante). Voici donc quelques extraits de cette étude qui vous éclaireront sur les éventuels liens que pourrait avoir cette créature serpentiforme avec les Selkies.

"Sa forme est comparée le plus souvent à celle d'un serpent, mais quelquefois aussi à celle d'un chien, d'un morse, d'un phoque ou d'une otarie. Le museau est allongé et on a signalé quelquefois des vibrisses à son extrémité. Sous la gorge et les côtés du cou on a observé des plis ; la bouche est transversale, large et les yeux sont très grands, brillants, de couleur noire, mais avec des reflets rouges. Le cou est très long (un cinquième environ de la longueur totale), plus mince que la tête et bien délimité du corps par un élargissement correspondant aux épaules, qui donne insertion à une paire de nageoires semblables à celles de tortues ou des phoques. Le corps arrondi est plus large en avant qu'en arrière, et se termine par une queue, ronde et pointue, énorme, puisqu'elle égale presque la moitié de la la longueur de l'animal. La peau est décrite comme lisse et brillante, et deux fois seulement on y signale des écailles, son aspect brillant et lisse est dû au fait que les poils sont mouillés et collés au corps. La peau des phoques présente le même aspect lorsque ces animaux sortent de l'eau.

Grand Serpent de Mer
Une représentation possible du Grand Serpent de Mer (illustration d'auteur inconnu).

Lorsque notre animal apparaît à la surface, il souffle bruyamment, et probablement par les narines ; on voit en tout cas le souffle sortir de l'extrémité du museau et non du sommet de la tête comme chez les cétacés. Son passage à la surface est signalé par un miroir graisseux, et il répand une forte et très mauvaise odeur. Il nage souvent avec la tête hors de l'eau, et la mobilité de toutes les parties de son corps est très grande. Le serpent de mer avance en faisant des ondulations dans le sens vertical, mais il peut s'incurver en fer à cheval dans tous les sens, et alors de gros plis se montrent sur son corps, comme chez les animaux pourvus d'une épaisse couche de lard. Il se tord alternativement, comme une tortue, quand il avance doucement, mais quand il nage rapidement en exécutant ses ondulations verticales, il ramasse ses nageoires contre le corps. Pendant qu'il est en mouvement dans l'eau, seule une petite partie du corps est visible et la queue ne se montre pas.

La caractéristique de la psychologie du grand serpent de mer paraît être la timidité ; il n'est pas d'exemple que ce colosse ait jamais attaqué les témoins de ses ébats, même lorsqu'on lui envoyait des coups de fusil. Son caractère est assez enjoué car il fait souvent des bonds et se livre ainsi à de folles gambades."

Il n'est pas difficile de voir que ce Grand Serpent de Mer est en fait une sorte de phoque géant. Il s'agit peut-être d'une espèce préhistorique comme la rythine de Steller - découverte en 1741 cette infortunée créature apparentée aux dugongs pouvait mesurer jusqu'à 8 mètres de long pour un poids de 11 tonnes. Cette créature apparue avant l'homme et découverte tardivement par le chirurgien naturaliste Georg Wilhelm Steller (sur une île située entre l'Alaska et la Sibérie) ne survivra que peu de temps à sa rencontre avec le genre humain... En effet, de retour en Russie, Steller confia à qui voulait l'entendre la description de cet animal facile à chasser et dont on pouvait tirer un nombre considérable de ressources... En seulement 27 années les quelques 2000 individus de l'espèce furent impitoyablement massacrés. On raconte toutefois que des petits groupes de rythines auraient été aperçus... un bien maigre espoir pour un si magnifique animal.

Grand Serpent de Mer
Illustration de ScottPurdy.

Dans le registre des créatures étranges associées aux phocidés, il existe également une créature qui répond au doux nom de Moine de mer mais ce dernier sera abordé dans un autre chapitre... il est d'ailleurs plus que temps de nous plonger dans les légendes Selkies.

Contes des Selkies :

Les chapitres suivants parleront de 3 légendes issues de différentes nations et centrées sur le peuple phoque. La première sera résumée (faute d'une version complète et authentique) mais les 2 autres seront amplement plus détaillées. En espérant que ce court voyage au royaume des Élémentaires aquatiques sera à votre goût, place à la lecture !

The Seal Wife :

Au sein des Féroé, sur l'île de Kalsoy (littéralement "île des Hommes" en vieux féringien), au coeur de la ville de Mikladalur, vivait un jeune fermier.

Par une belle soirée éclairée par l'astre lunaire, notre fringuant partisan de la ruralité se rend à la plage et découvre un spectacle époustouflant : un groupe de Selkies en train de danser gracieusement sur le sable. La stupeur ne dure qu'un instant et lorsque le jeune homme découvre les peaux des Selkies, pris d'une soudaine "inspiration", il se met en devoir de cacher la peau de la plus belle jeune femme phoque afin de l'empêcher de rejoindre la mer (et également pour la forcer à l'épouser tant qu'à faire).

Une fois sa fraiche épouse installée dans son modeste logis, le jeune fermier prend toutes les précautions nécessaires afin de garder l'Otarelle sous sa coupe : il cache sa peau dans un robuste coffre tout en conservant la clé avec lui, de jour comme de nuit.

Selkie
La "Selkie aux yeux glacés" tirée du jeu de cartes Magic the Gathering.

Un matin, alors qu'il était parti à la pêche, il découvre qu'il a oublié d'emporter sa précieuse clé avec lui. De retour à la maison, qu'elle n'est pas sa surprise de découvrir que son épouse a déserté le foyer, laissant derrière elle ses enfants (et un mari peu finaud).

Ivre de vengeance, le jeune homme finit par traquer et tuer le véritable époux de la femme phoque ainsi que deux de ses enfants... Après la découverte macabre de ce qui fut sa famille, l'Otarelle fait le serment de se venger des habitants de Mikladalur.

Au fil des ans, de nombreux hommes de ladite cité seront poussés prématurément dans la tombe. Certains seront retrouvés noyés, d'autres mystérieusement jetés du haut des falaises et le massacre ne cessera que lorsqu'il ne restera que le nombre suffisant d'habitants pour entourer de leurs bras l'île Kalsoy.

Cette légende aux accents sinistres est encore de nos jours prise au sérieux, elle inspire une crainte respectueuse aux habitants de l'île Kalsoy (et de toutes les îles Féroé).

Il est temps maintenant de passer à notre seconde histoire qui, si elle n'est pas des plus joyeuses, sera certainement plus guillerette que celle que vous venez de lire (ce qui ne sera pas difficile vous en conviendrez).

Selkie
Illustration d'auteur inconnu.

Le marché :

Autrefois, dans les glaciales contrées nordiques, un chasseur éreinté rentrait chez lui bien après le coucher du soleil. Le chemin qu'il empruntait le mena près du bord de la mer, où l'astre lunaire éclairait les vagues et faisait briller le sable d'un éclat nacré. S'extirpant des broussailles qui parsemaient les dunes, il vit avec étonnement au sortir d'un buisson trois belles femmes dansant nues, les vagues éclaboussant leurs pieds délicats.

Hypnotisé par ce singulier spectacle, le chasseur contempla la scène et eut l'impression d'entendre une étrange musique portée par la légère brise marine. Sortant de son état de stupeur, le jeune homme remarqua dans le sable trois peaux de phoque, une pour chacune des gracieuses danseuses. Le chasseur avait déjà entendu parler des femmes phoques, dont l'âme humaine se reflétait dans leurs yeux expressifs. Solitaire, il désirait plus que tout trouver une épouser pour partager ses nuits. Après avoir jeté un dernier et long regard aux belles danseuses, il s'empara impulsivement de l'une des peaux et la dissimula dans son gilet.

Peu après, la danse prit fin et les demoiselles enjouées vinrent récupérer leur peau de phoque, s'y glissèrent et plongèrent sous les flots. Cependant, la plus belle ne trouva pas sa peau et se mit à la chercher fébrilement puis frénétiquement lorsque le chasseur émergea des broussailles pour se camper devant elle.

"J'ai ta peau, lui dit-il. Viens avec moi et épouse-moi. je te rendrai ta peau après sept ans, et tu feras ce que tu voudras."

Selkie
Illustration de Mike Stuart.

En son for intérieur, le chasseur pensait que la femme-phoque, avec le temps, serait si heureuse à ses côtés qu'elle renoncerait à l'océan glacial pour la chaleur de son âtre. Il ne comprenait rien à l'appel des vagues et à leur musique obsédante.

Que pouvait faire la pauvre Selkie sinon accepter ce marché douteux ? Elle donna son consentement et vint vivre avec le chasseur, menant à ses côtés une vie assez heureuse.

Elle fit tout ce que l'on attendait d'elle et avec le sourire. Seuls ses immenses yeux gris demeuraient distants, se tournant de temps en temps vers la mer. Elle donna au chasseur un fils, qu'elle aima profondément, mais sa peau avec le temps était devenue sèche et craquelée tandis que son beau visage reflétait une tristesse sans nom. A la fin des 7 années, elle pria son mari de lui rendre sa peau mais celui-ci se fâcha.

"Voudrais-tu abandonner ton fils ? la défia-t-il. Veux-tu le laisser et plonger dans les vagues ?"

Après cette discussion animée avec son époux, la Selkie devint encore plus silencieuse et triste qu'à l'accoutumée et ses yeux s'élargirent de plus en plus, pareils à deux grandes mares aux profondeurs insondables. Pourtant, jamais elle ne versa une larme, car certains chagrins sont trop grands pour pleurer. Son fils l'aimait beaucoup et faisait tout ce qu'il pouvait pour lui rendre le sourire. En entendant la dispute entre ses parents, il réalisa la vérité quant à sa mère. Incapable de supporter le chagrin qu'éprouvait sa génitrice, il se mit à suivre discrètement son père. Un jour, il le vit creuser pour déterrer une peau de phoque, vérifier qu'elle était intacte et l'enfouir de nouveau.

Peau de Selkie
La peau d'un Selkie par James van Coppenhagen.

Le garçon était submergé par la joie, car enfin il pouvait rendre le sourire à sa mère. Il attendit que son père parte pour la chasse et retourna là où la peau demeurait enfouie. Il la déterra rapidement et courut l'apporter à sa mère. Les yeux gris de celle-ci brillèrent en voyant sa précieuse peau retrouvée. S'arrêtant à peine pour embrasser son fils, elle courut vers le rivage, se glissa dans sa peau et se dirigea vers l'eau. Le garçon courut après elle, en pleurant :

"Mère, ne me quitte pas, prends-moi avec toi !"

La femme-phoque hésita un instant, puis attrapa son fils, fit pénétrer en lui son souffle magique et l'emporta sous les vagues.

Dans le monde sous-marin, le garçon apprit bien des choses merveilleuses, absorbant la sagesse et la grâce du peuple de sa mère. Il savait cependant qu'il ne pouvait demeurer là à tout jamais, son destin était inextricablement lié au monde terrestre, aux côtés de son père. Le moment venu, sa mère le ramena sur le rivage et l'embrassant une dernière fois, lui fit des adieux attristés.

Le chasseur anéanti par la disparition de sa femme fut heureux de revoir son fils. Il aida ce dernier à s'adapter de nouveau à la vie sur la terre ferme. À la longue, il devint un musicien renommé. Son plus grand plaisir était de s'asseoir sur la plage et de jouer pendant que les Selkies s'ébattaient au loin dans les vagues.

Une fin déjà plus heureuse que la précédente... Un détail de l'histoire : le "souffle magique" semble nouveau dans les informations que nous avons sur la Selkie. À mon sens cela ressemble au souffle qu'insufflent certaines entités marines afin d'empêcher les mortels de connaître un sort funeste. Un élément qui reviendra probablement dans un autre article des créatures qui peuplent les flots.

Selkie
La "Selkie mélancolique" tirée également du jeu Magic the Gathering.

Tournons à présent notre regard vers la troisième et dernière légende (cette dernière ne sera presque pas remaniée par mes soins vu que Lucienne Escoube l'a déjà fait avec talent) qui nous poussera une fois encore vers la verte Irlande.

La Dame de Gollerus :

Par un beau soir d'été, le sire de Gollerus, beau domaine d'Irlande, se promenait au bord de la mer. Il suivait un sentier, le long d'une petite baie de sable. La lune venait de se lever, et, à sa lumière, le gentilhomme aperçut sur la plage des formes légères qui dansaient. Dans un coin de la grève, près des rochers, des peaux de phoque gisaient à terre. Le sire de Gollerus s'approcha tout doucement pour mieux observer les danseurs. Il vit alors que c'étaient de belles jeunes femmes aux longues chevelures qui dansaient ainsi au clair de lune, en compagnie de jeunes hommes. S'approchant plus encore, il s'aperçut qu'une des peaux de phoques était tout près de lui, à terre. S'en emparant, il s'éloigna et la dissimula dans un creux de rocher. Comme il revenait sur ses pas, les danseurs l'entendirent. Alors, rapide comme l'éclair, chacun s'empara d'une peau de phoque et, s'en revêtant, ils plongèrent dans la mer, sous l'apparence de phoques. Seule, une belle jeune fille demeura en arrière, cherchant, sans la trouver, sa vêture marine.

Comme elle pleurait et se tordait les mains, le sire de Gollerus, ému de sa beauté et de sa douleur, s'approcha d'elle, s'efforçant de la consoler. Mais il ne put y parvenir, ; dans une langue incompréhensible, elle lui expliquait en pleurant tout ce qu'elle avait perdu : non seulement sa fourrure marine, mais la possibilité de retourner dans son élément, parmi les siens. Elle finit cependant par se laisser emmener par le gentilhomme... Il la conduisit à son château, la confia à ses femmes de chambre pour qu'elles en prennent soin. Il la fit baptiser, lui apprit sa langue et, ne refusant rien à cette beauté touchante et mélancolique, lui donna des maîtres à chanter, à danser, à dessiner... La jeune femme se montra élève docile. Cependant le sire de Gollerus dut renoncer à l'entendre chanter. Elle avait pourtant la voix la plus belle du monde. Mais elle était d'une si bouleversante nostalgie que tous ceux qui l'entendaient, comme sous un charme, ne pouvaient plus bouger, à peine respirer, immobiles et comme frappés de stupeur, jusqu'à la dernière note. La plus bouleversée d'ailleurs par son chant, c'était la jeune femme elle-même. Elle demeurait ensuite de longues heures, silencieuse, accoudée à sa fenêtre, regardant les flots de la mer qui venaient se briser sans trêve au pied du château. Cependant, le sire de Gollerus ne pouvait plus vivre sans son inconnue. Il lui demanda d'être sa femme, et elle y consentit. Le mariage eut lieu en grande pompe, et, pendant quelque temps tout au moins, la jeune châtelaine parut plus heureuse.

Selkie
Illustration d'auteur inconnu.

De beaux enfants naquirent. Étrange particularité : ils eurent tous entre les doigts une membrane légère... Leur mère se montrait pour eux attentive et tendre : son humeur était toujours douce et un peu triste. Mais elle prit l'habitude de mener ses enfants se baigner encore tout jeunes,  les faisant nager et plonger pendant des heures. Le sire de Gollerus n'osait rien dire, mais il haïssait cette distraction... Tout ce qui était pour lui évocateur de la mer lui faisait peur. Il portait à sa femme un violent amour, et la crainte de la perdre vivait toujours en son âme.

Cependant, les enfants grandissaient, mais la châtelaine semblait de plus en plus mélancolique. Elle faisait de longues promenades sur la côte, toujours seule. Un jour, le sire de Gollerus la suivit. Elle se rendit à la plage même où il l'avait vue pour la première fois, et , arrivée là, poussa un long cri d'appel. Bientôt, un grand phoque parut hors de l'eau. Il s'approcha tout près du rivage et s'entretint avec la jeune femme dans une langue étrange, qui était celle qu'elle avait parlée jadis. Le sire de Gollerus, après avoir assisté à cet entretien, se hâta de rentrer avant sa femme au château. Maintes fois les mêmes faits se répétèrent, et, chaque fois, c'est plus triste, plus accablée, que la dame de Gollerus rentrait chez son mari. Pourtant, elle lui montrait de la tendresse et de la reconnaissance pour les soins dont il l'entourait. Mais il savait bien qu'elle n'était pas heureuse, que ni lui, ni son amour, ni même ses enfants ne pourraient arriver à effacer en elle les souvenirs de sa libre vie d'autrefois... Il l'aimait cependant trop pour se résoudre à la perdre...

Un jour que son mari était absent, la dame de Gollerus était assise près de sa fenêtre, absorbée dans une broderie précieuse... Soudain courut à elle sa petite fille, son aînée, grande personne âgée de six ans. Elle avait trouvé, dans un recoin obscur des combles du château, un objet étrange qu'elle apportait à sa mère. Celle-ci s'en saisit et reconnut, avec quel battement de coeur, sa peau de phoque, rapportée et cachée là depuis des années par le sire de Gollerus.

Selkie
Illustration de Mike Stuart (encore une fois).

Alors la tentation fut la plus forte. Quelque amour qu'elle eût pour ses enfants, la mer l'appelait depuis tant d'années, et cet appel était irrésistible. Prenant ses enfants dans ses bras, elle les embrassa en pleurant, peignant une dernière fois leurs beaux cheveux. Enfin, s'arrachant à eux, elle prit le chemin de la mer.

Elle était partie depuis quelques minutes à peine quand le sire de Gollerus rentra. Sa fille courut à lui et lui raconta ce qui était arrivé, car l'enfant était encore toute bouleversée des baisers et des pleurs maternels. Fou d'inquiétude et de crainte, le gentilhomme s'empressa de courir jusqu'à la baie où sa femme avait l'habitude de se rendre. Il l'aperçut en arrivant. Debout, sur un rocher escarpé, la peau de phoque à ses pieds, elle s'apprêtait à la revêtir et à plonger. N'osant s'approcher de peur de la faire fuir plus vite, il la supplia de revenir à lui. Mais, tournant vers lui des yeux pleins de douleur et de reproche elle déclara :

"- Les enfants que je laisse te parleront de moi. En vérité, je t'ai bien aimé, et tu m'as montré un grand amour. Mais, malgré tous mes efforts, je n'ai jamais pu oublier les miens, la libre vie au gré des vagues, la splendeur des terres sous-marines, et par-dessus tout l'amour que je portais à mon premier mari, dont tu m'as involontairement, mais cruellement séparée pendant de longues années. Adieu donc. Oublie-moi. Aime les enfants. Et songe, quand tu verras des formes danser sur le rivage au clair de lune, que je ne saurais, moi, jamais t'oublier tout à fait. Tu m'as fait don d'une chose que nous ignorons presque totalement, nous qui vivons de longues, longues années sans aucune mésaventure. Sois heureux, car tu m'as tout de même rendue humaine, puisque tu m'as appris la douleur."

Sur ces derniers mots, elle revêtit la peau de phoque et légère, plongea du haut du rocher. Alors surgit des vagues la tête du grand phoque avec qui elle avait si souvent conversé. Et, tandis que le sire de Gollerus restait seul avec son chagrin, il pouvait voir s'éloigner de compagnie les deux époux retrouvés, nageant tous deux côte à côte dans le sillage argenté du clair de lune sur les flots.

Selkie
Une splendide illustration de Vilde D. Ulriksen.

Ces fragments de l'histoire des Selkies mêlés à celle des hommes n'ont pas vraiment des fins joyeuses et enchanteresses. Mais en plus de les lire, nous allons maintenant nous pencher sur leurs symboliques, ce qu'ils signifient. Toutefois, avant de nous lancer dans cette étude, prenons d'abord le temps de trouver l'origine du peuple phoque...

Les origines des Selkies :

Selon Pierre Dubois, le peuple phoque serait issu des Morgans (ou Morgens en anglais) - sortes d'Élémentaires aquatiques qui ont pour habitude (selon les dires) de noyer les voyageurs (mais ça c'est encore une autre histoire) - voire de descendants des Tritons et des Sirènes.

La culture populaire nous donne une toute autre théorie sur leurs origines : il s'agirait tout simplement de la forme prise par les marins noyés. Une théorie soutenue par l'anthropologiste A. Asbjorn Jon (auteur du livre intitulé : "Shamanism And the Image of the Teutonic Deiti, Ódinn", se traduisant : "Le chamanisme et l'image de la divinité teutonne Odin").

Selkie
Ravissante création de James Browne.

Du point de vue purement scientifique (qui n'est donc pas le mien), avant l'avènement de la médecine moderne, beaucoup de problèmes physiologiques (malformations pour être clair) étaient impossibles à corriger. Quand des enfants naissaient avec des anomalies, il était commun de blâmer les Fées.

Le clan MacCodrum de la région des Hébrides Extérieures (une chaîne d'îles de l'Écosse de l'Ouest) fut renommé en "MacCodrums of the seals" (MacCodrums des phoques) quand ces derniers clamèrent être des descendants de l'union d'un pêcheur et d'une Selkie, expliquant ainsi la palmure exagérée entre leurs doigts (presque à la semblance de palmes).

Le folkloriste écossais (antiquaire de profession) David MacRitchie pensait que les premiers colons de l'Écosse avaient probablement rencontré, puis épousé des femmes de Finlande et du Lapon (la Laponie est la contrée du peuple Sami, partagée entre la Suède et la Finlande) qui furent (à tort selon lui) identifiées comme des Selkies à cause des kayaks et tenues en peaux de phoques.

Pour ceux qui l'ignorent (je pense que vous êtes légions vu que ce personnage n'est pas vraiment illustre dans la culture traditionnelle), le sieur David MacRitchie a vécu entre le XIX et XXème siècle, il faisait partie de nombreuses sociétés de folklore. Il est surtout reconnu comme l'un des plus fervents admirateurs de la théorie de l'évhémérisme (qui tire son nom du mythographe grec Évhémère). Ce courant de pensée veut démontrer (dans les grandes lignes) que les dieux, personnages mythologiques et Élémentaires étaient des êtres humains divinisés après leur mort. Sa naissance remonterait à l'Antiquité et elle fut employée également aux débuts de l'ère chrétienne... comme arme contre le polythéisme (encore un merveilleux détournement "proposé" si gentiment par nos "amis" chrétiens). Le Moyen-Age se servira cependant de cette théorie pour préserver les mythes et légendes de l'oubli, dans un but d'étude et de compréhension.

Une autre théorie veut que les naufrageurs espagnols, aux longs cheveux noirs trempés par l'eau de mer, ressemblaient à des phoques (après 2 litres de rhum dans le sang)

Selkie
Une Selkie très... particulière (par Ninir).

Toutes ces hypothèses tentent de répondre à la question posée : d'où viennent les Selkies ? Elles ne font que nous apporter plus d'interrogations mais n'est-ce pas là le propre du mythe ? Nous laisser baignant dans le flou et l'incertitude si chers aux contes et légendes dont les vides sont comblés par nos imaginations.

Si nous sommes incapables de trouver l'origine exacte du peuple phoque, il sera plus aisé de déterminer quelques symboliques liés à ces derniers...

Les symboliques Otariennes :

La plupart des mythes et légendes des Sea Trows traitent d'histoires d'amour entre humains et Selkies. Ces romances connaissent rarement une fin heureuse et l'on pourrait être tenté d'y voir là une métaphore où l'humain tenterait de mieux connaitre l'Autre-Monde (l'Annwn) sans pour autant y parvenir.

Dans la légende intitulée "Le marché" (voir plus haut), il est question du fils d'un homme et d'une Otarelle qui devient un musicien renommé. Au contraire de son père qui a tenté d'enfermer (de contraindre) ce qu'il aimait, le fils lui a brisé sa cage pour lui rendre sa liberté. Contraindre n'est jamais vraiment une solution durable et efficace pour préserver ce qui nous est cher. Cette histoire pourrait se rapporter à l'inspiration vu que l'union entre le chasseur et l'Otarelle a permis de conférer le don de la musique au fils. Il est bien connu dans le folklore que les musiciens et certains artistes sont liés d'une manière ou d'une autre à l'Autre-Monde. Ce don représente autant un don qu'une malédiction (être à cheval entre deux mondes n'est pas vraiment ce qu'il y a de plus reposant pour l'esprit).

Selkie
Une ravissante Selkie (par Nick Harris).

D'autres symboles plus ténus apparaissent également dans cette histoire. La mer, associée à l'élément de l'eau (vous ne l'aviez pas deviné je parie...) représente les émotions (les souvenirs et les sentiments). Les Selkies pourraient donc être une incarnation de notre désir le plus profond, une envie qui nous enjoint à suivre nos aspirations, être nous-mêmes afin de trouver la paix que nous recherchons tous malgré tout.

Conclusion :

Cette longue route que nous avons parcouru en compagnie du peuple phoque nous aura permis d'un peu mieux connaître les créatures fantastiques qui peuplent les lacs, rivières, fleuves, mers et océans à travers le monde.

Ces Élémentaires qui habitent les profondeurs insondables et parviennent à toucher le coeur des hommes sont encore très répandus dans notre culture populaire. Je vous laisse sans plus attendre une courte liste (il en existe bien plus dans la littérature fantastique, la musique, le cinéma,... mais je vous laisse faire vos propres recherches) d'éléments où vous pourrez voir les Selkies fendre gracieusement les flots de votre imagination, il ne me reste plus qu'à ranger mon bâton de marche (pour un court moment) et attendre notre prochaine visite du royaume des mythes.

Annexes :

Selkie
Le "mage des haies Selkie" (encore une fois tiré du jeu Magic the Gathering).

Littérature :

- La poétesse Jane Yolen a écrit un poème intitulé : "The Ballad of the White Seal" (La Ballade du phoque blanc), qui raconte l'histoire d'un pêcheur et de son épouse Selkie. Ce poème sera plus tard adapté sous forme de chanson grâce au musicien folk Luis Collins.

- Dans le comic Torchwood (lié à la célèbre série britannique Doctor Who), il existe un épisode qui s'intitule : "Captain Jack and the Selkie" (nul besoin de vous préciser le lien avec le sujet de notre article je suppose).

- Donjons & Dragons le célèbre jeu de rôle présente également les Selkies dans ses bestiaires.

- Dans l'édition Coucheciel (Eventide) de Magic the Gathering, il existe 3 cartes qui représentent les Selkies ("Selkie aux yeux glacés", "Mage des haies Selkie" et "Selkie mélancolique"). Lesdites créatures vivent sur un plan d'existence (Lorwyn) régi par d'étranges règles : pendant un millénaire le monde est baigné de lumière et empli de beauté (où toutes sortes d'Élémentaires de Géants, de Sylvains et autres créatures fantastiques s'ébattent) puis, le millénaire suivant ce plan d'existence se change en son sombre reflet torturé (si les illustrations citées plus haut vous intéressent, elles sont présentes dans cet article, alors partez à la chasse au trésor).

Musique :

- Aux Orcades, il existe une chanson traditionnelle appelée : "The Great Silkie of Sule Skerry" (La Grande Selkie de Sule Skerry) qui, avec les années, est devenue fort populaire (elle a d'ailleurs bénéficié de nombreuses adaptations).

Selkie
Illustration d'auteur inconnu.

Films :

- Le film Ondine (long-métrage irlandais sorti en 2009) raconte la rencontre entre le pêcheur Syracuse et une étrange jeune femme qu'il déniche au fond de son filet de pêche. Cette dernière lui déclare s'appeler Ondine et la fille du pêcheur (Annie) en vient vite à prendre la jeune donzelle pour une Selkie.

- Song of the Sea est un long-métrage d'animation (toujours en cours de développement) conçu par Digital Graphics Studios sous la direction de Tomm Moore (Le secret de Kells). Ce film d'animation nous raconte en gros les mésaventures d'un frère et d'une soeur qui partent sur les routes pour une sorte de quête initiatique. Ils rencontreront en chemin toutes sortes de créatures et personnages étonnants (pour en savoir plus sur le sujet allez sur le lien que j'ai laissé dans le titre de ce film).

Idraemir

5 commentaires:

  1. merci pour toutes ses informations sur les Selkies

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    1. Pas de quoi, j'essaye toujours d'être le plus complet possible sans devenir barbant (ravi de voir qu'il a pu t'être utile au passage).

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  2. Super recherche sur les Selkies, j'adore ^^. Tu crois que ça serait possible d'aborder la Loreley un jour? (si ça ne te dérange pas)

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    1. Grand merci, j'avoue que cet article a été assez agréable à composer, tant sur le plan de la recherche que sur celui de la création.

      Pour ce qui est de la Lorelei, j'en ai déjà entendu vaguement parler (j'ai sûrement dû survoler le sujet en lisant l'un de mes traité).

      Après une courte recherche sur le sujet, je pense qu'il est possible (probable) que j'en parle mais, je doute de lui consacrer un article complet (elle sera probablement inclue dans l'article futur sur les Sirènes, vu la forte ressemblance de la Lorelei avec ces dernières).

      Si à l'occasion tu as d'autres suggestions, n'hésite pas à m'en faire part (par-contre il te faudra faire preuve d'une extrême patiente vu le temps que me prennent mes recherches, sans compter la rédaction des articles).

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    2. Merci beaucoup, et oui si j'ai d'autres idées, je te les ferai parvenir ^^. Et prends tout ton temps pour les articles futurs, je saurais me montrer patiente

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