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mercredi 19 février 2014

Pégase, le coursier céleste

L'aube se lève sur la nation grecque. L'astre solaire tiré par le char d'Hélios laisse descendre lentement ses rayons dorés au fil de sa course inexorable, colorant le sommet immaculé du majestueux mont Olympe de mille nuances de couleurs, à faire pâlir de jalousie l'oeuvre de la déesse Iris.

Rien ne semble pouvoir troubler la quiétude de cette charmante scène... rien, si ce n'est l'apparition soudaine d'une forme floue qui fend les airs à une vitesse ahurissante ! Porté par le souffle d' Éole, l'être véloce aussi blanc que le nacre parait virevolter dans les nuages, jouant avec les cumulonimbus, soufflant avec malice sur les nimbostratus avant de déployer ce qui semble être une large paire d'ailes de plumes qui le guident progressivement vers les vertes prairies qui parsèment le sol.

Une fois posée sur la terre ferme, au bord d'une source qui déroule paresseusement son long serpentin bleuté et liquide à travers la contrée, la créature, après s'être brièvement désaltérée, pousse un long hennissement avant de se cabrer révélant aux rares témoins de la scène sa superbe forme de cheval ailé aux teintes immaculées. C'est avec une majesté certaine que le messager de Zeus annonce son arrivée... Pégase aux ailes blanches se tient face à nous.

Pégase
Un ravissant paysage dévoilé par le soleil naissant (et créé par le talentueux Sumoh Mohan).

Quand Méduse eut la tête tranchée par Persée, nous dit la mythologie grecque, du sang répandu naquit un étrange et merveilleux cheval au pelage blanc et qui portait une paire d'ailes. Cet animal aussi rapide que le vent avait pour nom Pégase. Farouche, il avait la réputation de ne pas se laisser facilement approcher et s'envolait aussi souvent qu'il lui plaisait. Néanmoins, la déesse Athéna aida le jeune Bellérophon à dompter le fringant coursier.
- Encyclopédie du fantastique et de l'étrange.

Si vous avez un jour éprouvé le besoin d'en savoir plus sur la mythologie grecque, ou plus précisément sur Pégase (Pégasus en latin), vous avez probablement dû tomber sur un texte similaire à celui présenté ci-dessus...

Ce court paragraphe nous livre un florilège de données générales, malheureusement peu aptes à répondre à toutes nos questions sur le fringuant coursier... Par quel prodige est-il né du sang de la Gorgone ? Comment Bellérophon a pu dompter cette créature ? Quel subterfuge la déesse Athéna employa pour rendre docile l'équidé céleste ?

Vous trouverez les réponses à ces interrogations au sein de cet article, et bien plus encore... Vous découvrirez par exemple que l'équidé ailé possède un frère bien moins connu, qu'il est apparenté aux Élémentaires des flots et des cieux (entre autres), qu'il tire son origine des contrées asiatiques lointaines,... mais, trêve de discours à caractère mercantile, il est temps de nous lancer à corps perdu dans notre nouveau voyage au sein des contrées de l'imaginaire, en débutant avec l'analyse de plusieurs versions du mythe du cheval ailé et de son cavalier.

Pégase
Pégase revêtu d'une sorte de barde (la barde est l'ensemble des pièces d'armure qui servent à protéger le cheval sur le champ de bataille), illustré par Dominic Gutierrez.

Bellérophon et Pégase :

Première version du mythe :

S'il y a bien une chose qui semble poursuivre la famille de Sisyphe (aucun lien avec la divinité qui maîtrise les vents), c'est bien la malchance... Si l'on excepte le funeste sort qu'à connu le rejeton d'Éole (aucun lien avec le dieu grec du même nom censé régir les vents), nous pouvons citer son fils, qui mourut piétiné par ses propres chevaux et bien entendu son petit-fils Bellérophon, qui dût quitter en toute hâte sa patrie étant donné qu'il était soupçonné de meurtre.

Au cours de sa fuite éperdue, le jeune homme traversa le royaume du roi Proétos (la cité de Tirynthe), où le souverain l'accueillit à bras ouverts. La reine (Sthénébée ou Antée), charmée par la jeunesse, la vigueur et les opinions (qui révélaient une noble origine) du héros, ne tarda pas à se prendre d'affection pour Bellérophon et elle commença à lui témoigner ses faveurs (entendez par là qu'elle a tenté peu subtilement de le faire entrer dans sa couche), plus qu'à n'importe quel autre courtisan. Mais, lorsqu'elle s'aperçut que l'hôte de son époux restait de marbre face à ses avances, elle entra dans une colère noire et tenta par tous les moyens de le discréditer aux yeux du roi.

"- Il est orgueilleux," disait elle, "il ne prête aucune attention aux honneurs qu'il reçoit. Je suis sûre que sa nature est mauvaise."

"- Cela peut-être aussi de la modestie de sa part," répondit le roi.

Malgré la tentative de son épouse pour semer la discorde, le souverain continua à traiter le jeune homme en ami, mais la reine n'allait pas en rester là. Le lendemain, elle soudoya un serviteur et s'en vint à nouveau trouver son mari.

"- Bellérophon nous a trahis," déclara-t-elle, "il est à la solde de tes ennemis et veut s'emparer de ton trône. Si tu ne t'en débarrasses pas au plus vite, il te tuera. Cet homme a tout entendu et peut en témoigner."

Et la femme rusée appela le garde qu'elle avait acheté. Pendant un long moment, le roi, resta indécis quant à la décision à prendre (ne pouvant concevoir la trahison du jeune homme), mais à force d'argumenter sur le sujet, la reine et le serviteur finirent par convaincre le monarque de la véracité de cette accusation.

Comme Proétos n'osait pas faire exécuter son invité sous son propre toit (la raison de cette répugnance à répandre le sang chez soi - au-delà du fait que ça risque de tacher l'ameublement - vous sera expliquée plus en détails dans la seconde version du mythe), il écrivit des signes secrets sur une tablette et chargea Bellérophon d'aller la porter avec célérité à son parent le roi Iobatès (souverain de la Lycie et beau-père de Proétos). Plein de confiance et heureux de pouvoir rendre la pareille à son hôte, le jeune homme partit sans se douter un seul instant que le message condamnait à mort celui qui le portait.

Pégase
Magnifique illustration d'April Schumacher (dont vous pouvez admirer le travail en suivant le lien) qui nous montre Pégase entouré d'une légion d'autres chevaux ailés.

Iobatès (le souverain de la Lycie) était un roi vénérable reconnu pour son extrême bonté. C'est donc sans surprise qu'il accueillit chaleureusement le voyageur venu à sa rencontre, sans lui demander d'où il venait, ni même l'objet de sa visite. Il organisa d'ailleurs une fastueuse fête, qui dura neuf jours durant, en l'honneur de son invité (les bonnes manières du jeune homme ayant suffit à lui prouver qu'il était issu d'une noble lignée). Ce n'est que le dixième jour qu'il lui demanda enfin la raison de sa venue (mieux vaut tard que jamais).

Bellérophon annonça qu'il venait de la part du roi Proétos, son parent, et lui tendit la funeste tablette. À sa lecture, le roi fut horrifié par la requête de son gendre. Il s'était pris d'amitié pour le jeune homme et ne pouvait concevoir l'idée de lui faire le moindre mal. Il réfléchit donc longuement afin de trouver un moyen d'éviter d'avoir à rendre cet ignoble service à l'époux de sa fille... Après avoir pesé le pour et le contre, il jugea plus équitable de charger Bellérophon d'une mission dangereuse afin d'éprouver son courage.

À cette époque, une étrange créature arpentait les terres lyciennes. Portant le nom de Chimère, elle ressemblait de face, à un lion, de dos à un Dragon et ses flancs étaient ceux d'un bouc. Elle disposait également de trois têtes : une de lion, une de bouc et une de Dragon (logique me direz-vous). De plus, elle était capable de souffler le feu et de vomir une fumée suffocante.

"- Bellérophon," dit Iobatès, "tu es jeune et fort, pourtant tu n'as encore accompli aucune action héroïque. Va à la recherche de la Chimère, tue-la et reviens en guerrier victorieux."

Il ne fallut pas d'avantage d'arguments pour que l'intrépide jeune homme prenne avec lui son arsenal (composé d'une épée aiguisée, d'une lance, sans oublier son arc accompagné d'un carquois garni de flèches) et se mette en route vers la tanière de la créature, clairement visible dans le lointain grâce à l'épaisse colonne de fumée qui s'élevait vers le ciel. Chemin faisant, Bellérophon se disait :

"- La Chimère est forte et rapide. Si j'arrive à trancher une des têtes, les deux autres vont se retourner contre moi. Et même si j'évite les flammes qu'elle lance, l'odeur me fera suffoquer."

Malgré le fait qu'il courait vers une mort certaine, le pas du héros ne ralentissait nullement tandis qu'il s'engageait dans la région où vivait le dangereux hybride.

Bellérophon affrontant la Chimère
Relief représentant Bellérophon juché sur Pégase (dénué d'ailes dans cette version) et affrontant la terrible Chimère (ladite pièce est conservée au British Museum de Londres).

Soudain, au détour d'un chemin, il vit une source qui jaillissait de sous un rocher et, s'abreuvant au point d'eau, il reconnut avec émerveillement le cheval ailé Pégase, celui-là même qui s'était frayé un chemin hors de la gorge de Méduse.

"- Si je pouvais monter sur cet animal," se dit Bellérophon, "j'attaquerais la Chimère par les airs et je serais plus vif qu'elle."

Dissimulé dans les fourrés, il s'approcha à pas de loup de Pégase. Au moment où il allait tenter de se saisir de cette fantastique monture, le cheval, sentant une présence étrangère, déploya vivement ses ailes et s'envola dans le lointain.

Tout déconfit par cet échec, le héros songea que la nuit lui porterait conseil, il se coucha donc dans l'herbe, à proximité de la source et sombra dans les bras de Morphée (au sens figuré). Dans son rêve, la déesse Athéna (divinité de la connaissance, de la guerre et des artistes, elle est également connue comme étant la protectrice de la cité d'Athènes) lui apparut, lui tendant une superbe bride richement décorée d'or et lui dit :

"- Réveille-toi, sacrifie un taureau au dieu Poséidon (assimilé à Neptune par les Romains, il est le dieu des mers et des sources et apprécie grandement les chevaux) ; tu arriveras aisément à attraper le cheval ailé avec la bride que je te donne."

L'esprit encore tout embrumé, Bellérophon tendit les mains pour recevoir le divin présent, mais celui-ci se trouvait déjà déposé à ses côtés jetant sous la lumière lunaire des éclats dorés. Ravi de ce présent, il s'en empara promptement et, réconforté par le soutien de la déesse, se hâta d'accomplir le sacrifice à Poséidon. Par gratitude envers sa bienfaitrice, il érigea également un autel en son honneur.

Dans le courant de la soirée, il revint se poster aux abords de la source et attendit le retour du cheval. Bientôt, il entendit distinctement un battement d'ailes et pu voir Pégase se poser puis se diriger vers l'eau afin d'étancher sa soif. Le jeune homme s'approcha discrètement avec la bride d'or, et cette fois le coursier ailé ne put lui échapper.

Grisé par cet exploit, Bellérophon sella son nouveau compagnon, sauta sur son dos et lui indiqua la direction où il devait aller. Aussitôt Pégase s'envola et ils se mirent à planer survolant plaines et forêts. Ils tournèrent quelque temps au-dessus du défilé envahi par une épaisse fumée (signe que la Chimère était dans les parages), puis le héros prit une flèche de son carquois et descendit en piqué vers sa proie aussi vivement que la foudre qui s'abat - vu que le présent article ne traite pas de la Chimère, vous comprendrez que je coupe les parties qui parlent de ce combat épique... Cependant, vous pouvez toujours satisfaire votre curiosité en allant lire le texte qui lui est dédié.

Bellérophon et Pégase
Une version assez... elfique de Bellérophon se préparant à affronter son puissant adversaire (illustration d'Aldrin Menardo).

Après avoir accompli sa sinistre besogne, Bellérophon dépouilla la Chimère de sa peau, enfourcha sa fidèle monture et retourna aussitôt chez le roi Iobatès. Celui-ci, à la fois émerveillé par la vision du cheval ailé et terrifié par les restes de ce qui fut la Chimère, comprit que son jeune invité était protégé par les dieux et ne pouvait donc pas être un criminel. En guise de réparation pour avoir tenté de l'envoyer à la mort, il lui offrit la main de sa fille (Philonoé) et bientôt le héros victorieux devint roi.

Mais, grisé par sa victoire, il se mit bientôt à croire qu'il était capable de jouer des tours aux dieux : n'était-il pas le petit-fils du rusé Sisyphe ?

"- Puisque je possède le cheval ailé, pourquoi n'irais-je pas voir l'Olympe ?" se dit-il un jour.

Aussitôt il enfourcha Pégase et le dirigea vers la majestueuse demeure des dieux. Mais le cheval, qui ne semblait pas partager sa folie des grandeurs, désarçonna brutalement son orgueilleux cavalier d'une bonne ruade. A l'issue d'un chute vertigineuse, Bellérophon se retrouva plongé dans les eaux fétides d'un marécage qui amortit sa chute et l'empêcha de passer de vie à trépas. Honteux devant les dieux et les hommes, il ne reparut jamais dans son royaume, passant le reste de son existence dans la solitude et la misère...

Quant à Pégase, il poursuivit son vol vers l'Olympe (le mont Olympe est la plus haute montagne de Grèce qui est censée être la demeure des déités du panthéon grec), où il se mit au service du dieu suprême, Zeus.

Cette première partie des exploits de Bellérophon, nous dépeint ce dernier sous les traits d'un héros intrépide, serviable et impatient de faire ses preuves qui, une fois sa renommée acquise, sera dévoré par l'orgueil au point de provoquer sa propre chute (avec un léger coup de "sabot" de Pégase bien entendu).

Si cette version de l'épopée du héros vous semble cruelle ou assez pessimiste sur les bords, attendez de lire celles qui suivent...

Informations complémentaires :

- Pour ceux qui l'ignorent, Sysiphe, l'astucieux fils d'Éole, a , selon les versions, tenté d'échapper à Thanatos (personnification de la mort), corrompu Morphée (le dieu des rêves) et Thanatos pour son propre profit, ou encore, dénoncé Zeus à Asopos (la déité du fleuve béotien du même nom) alors que le seigneur de la foudre fricotait avec la fille (Égine) de ce dernier... 

Pour sa punition, Sisyphe fut condamné à faire rouler péniblement un lourd rocher dans le Tartare (région des Enfers grecs où les Titans sont emprisonnés et où les criminels sont punis pour l'éternité, sous la garde sévère des Érinyes) jusqu'au sommet d'une colline mais, chaque fois que le pauvre hère pense être parvenu au bout de sa peine, le rocher lui glisse instantanément des mains pour rouler jusqu'en bas de la pente, l'obligeant à recommencer cette pénible tâche (une belle illustration du mouvement perpétuel). 

Pégase
Pégase illustré de manière classique par "The Drawing Hands".

Seconde version du mythe :

Bellérophon :

Fils du roi de Corinthe (autrefois l'une des plus importante cité de la Grèce antique qui abritait en son sein un temple dédié à Aphrodite, la déesse de l'amour), Glaucos et d'Eurymède (certaines versions en font le fils de Poséidon le seigneur des flots et d'Eurymède), descendant du tristement célèbre Sysiphe, Bellérophon (alors appelé Hipponoos) se rend coupable d'un meurtre - les données sont peu claires à ce sujet, selon certaines sources, il aurait assassiné un certain Belléros qui était peut-être son frère, ou un tyran du coin (d'autres versions prétendent qu'il a refroidi son frère Déliades, ou Pirène, ou Alciménès... bref rien de bien certain pour le coup). Après avoir accompli sa sinistre besogne Hipponoos prendra le nom de Bellérophon - qui provoquera le courroux des dieux (ou des dirigeants locaux).

Pour expier sa faute, le jeune homme s'exile auprès du roi de Tirynthe (cité mycénienne), Proétos. L'épouse du souverain, la reine Antée (ou Sténébée), captivée par le nouvel arrivant, ne tarde pas à s'éprendre de Bellérophon et à lui faire des avances, qu'il repousse assez vivement. Humiliée, la reine déclare alors à son mari que le jeune homme a tenté de la séduire, puis, voyant que ses charmes restaient sans effet, de la violer... Proétos, qui croit sa femme sur parole, songe bien vite à trouver un moyen de se débarrasser de ce jeune parvenu ; seulement, un épineux cas de conscience se pose à lui : comment châtier le criminel sans manquer aux lois infiniment sacrées de l'hospitalité ? N'ont-ils pas tous deux rompu le pain ensembles ? - il faut savoir que dans la Grèce antique, la loi de l'hospitalité est sacrée. Toute personne qui demande asile doit être considérée comme un envoyé des dieux, ne pas respecter son invité comme il se doit peut attirer le malheur sur la maisonnée - Proétos envoie alors Bellérophon chez son beau-père, Iobatès, avec pour mission de lui remettre au plus vite un pli scellé. Le héros en devenir se lance aussitôt sur les routes, inconscient du danger qui le guette : dans la lettre qu'il tient entre ses mains le souverain de Tirynthe prie tout bonnement Iobatès d'exécuter le porteur du message...

Une fois sur place, Bellérophon deviendra l'invité du roi pendant neuf jours. Le dixième, le héros montre enfin au souverain les tablettes qui doivent sceller son destin. À ce stade, Iobatès se retrouve coincé dans la même situation gênante que Proétos : vu qu'il a partagé sa nourriture avec Bellérophon, ce dernier est devenu son invité, il est donc rigoureusement exclu de l'assassiner sous son propre toit !

La rencontre avec Pégase :

Pour se défaire de Bellérophon, le roi charge le jeune homme de débarrasser la contrée de la Chimère, certain que la créature gagnerait aisément le combat. Parti en quête de l'étrange hybride, le héros invoque Poséidon afin qu'il lui déniche une monture ; le dieu marin lui fait alors don du fougueux coursier ailé Pégase, sans omettre de lui fournir également le mors en or et les brides magiques d'Athéna (sans quoi il ne serait jamais parvenu à dompter l'équidé céleste).

Bellérophon contre la Chimère
Vu que je ne mentionne pas le combat de Bellérophon et de la Chimère dans cet article, je vous offre tout de même cette splendide illustration (créée par Jaslynn Tham) en guise de compensation...

Une fois la Chimère vaincue, Bellérophon s'envole aussitôt vers la demeure du roi, afin de lui faire part de son éclatante victoire.

Iobatès est consterné par le retour triomphal du héros, mais il se remet bien vite de sa déconvenue et réfléchit déjà à un autre moyen de se débarrasser du jeune homme. Après un court moment de réflexion, il convoque Bellérophon et lui demande de lui rendre un "menu service" : aller faire la guerre aux  féroces Solymes - il s'agit d'un peuple décrit comme sauvage et belliqueux, originaire de la Lycie. Ils se sont installés non-loin de la chaîne de montagnes des Monts Taurus (dans l'actuelle Turquie) et comptent pour alliée la tribu des guerrières Amazones.

La tâche semble impossible à réaliser, mais grâce à l'aide providentielle de Pégase, les vaincre n'est au final qu'une "simple formalité". Tandis que les flèches ennemies, envoyées dans les airs, retombent piteusement au sol avant d'avoir atteint leur cible, Bellérophon, tranquillement installé sur sa monture, laisse tomber sur ses adversaires une multitude de pierres qui dans leur chute fracassent les crânes des guerriers impuissants.

Iobatès tente une troisième fois d'envoyer le héros à la mort en lui faisant combattre les Amazones - la mythologie grecque les décrits comme de redoutables femmes rompues à l'art du combat. Leur nom  signifierait (selon certaines versions) : "celles qui n'ont pas de sein", il est à supposer que ce charmant sobriquet est en lien avec une tradition (supposée) des Amazones qui consistait à se couper le sein droit afin de pouvoir tirer plus aisément à l'arc - mais, il finit par perdre patience à l'annonce de sa nouvelle victoire et il décide d'envoyer ses propres hommes lui tendre une embuscade.

La bataille contre le cavalier de Pégase tournera vite au bain de sang pour les braves Lyciens et le roi finira par comprendre qu'il n'est pas possible de tuer Bellérophon qui semble protégé par les dieux. Il décide donc de modifier ses plans en lui offrant la main de sa fille, Philonoé avec en sus la moitié de son royaume (garantissant au champion Lycien l'accès au trône lorsque le roi aura trépassé).

L'épouse de Béllérophon lui donnera trois enfants : Pisandre (ou Isandre), Hippoloque et Laodamie. À l'annonce du couronnement du nouveau roi, la reine Antée se suicidera... Avec cette nouvelle vie, le héros aurait dû avoir tout ce qui lui fallait mais, poussé par l'orgueil (ou plus simplement par la curiosité), il entreprendra de parcourir à nouveau les cieux sur le dos de Pégase, dans le but cette fois de parvenir au sommet de l'Olympe.

Voyant cela, Zeus décide de remettre ce présomptueux mortel à sa place et il envoie un taon piquer la croupe de Pégase. Fou de douleur le cheval se cabre et projette Bellérophon dans la plaine Aléenne (en Lycie). Sa chute le rendra aveugle et boiteux et il passera le reste de sa vie, en haillons, à errer dans une extrême solitude jusqu'à son trépas (sa nation d'adoption lui rendra tout de même hommage en lui érigeant un sanctuaire et un tombeau dans la cité de Tlos)...

Pégase
Illustration de Yulin'ka.

Variantes du mythe :

Bellérophon quitte la demeure de Proétos non pas à cause des fausses accusations de la reine, mais parce qu'il est lassé d'entendre Antée lui dire sans cesse combien elle l'aime (et parce qu'il craint à force de se laisser fléchir).

- Selon Pseudo-Apollodore - auteur inconnu de la "Bibliothèque" (on pensait à tort que l'ouvrage avait été écrit par Apollodore d'Athènes, d'où le nom), un livre qui retrace la mythologie grecque de manière fort complète et aurait vu le jour au Ier ou IIème siècle après J.C.-, Iobatès envoie Bellérophon combattre successivement la Chimère, les Solymes, les Amazones, afin de répondre au souhait de Proétos (éliminer le jeune homme) ; après la victoire de Bellérophon sur toutes ces épreuves (en comptant en rab l'embuscade lycienne ordonnée par Iobatès), le roi montre au héros la lettre de Proétos, puis l'invite à rester auprès de lui. Il lui accorde bien entendu la main de sa fille Philonoé et, à sa mort, lui cède son royaume.

- Désarçonné par Pégase, Bellérophon tombe dans la plaine Aléenne. Il est aussitôt attaqué par Mégapenthe (non ce n'est pas un Pokémon...), l'enfant de Proétos, et au moment où il va succomber sous les coups de son adversaire, il est sauvé par son propre fils Glaucos.

Comme vous pouvez le constater, cette version encense déjà moins le "héros glorieux" de la première version. Toutefois, si vous avez trouvé que l'histoire finit mal... attendez d'avoir lu la troisième et dernière histoire.

Troisième version du mythe :

Lorsque Persée avait tranché la tête de la Gorgone Méduse, quelques gouttes du sang de la créature étaient tombées sur le sol. Du liquide vermeil naquit bientôt un cheval ailé, qui fut baptisé Pégase. Poséidon, qui appréciait les chevaux plus que tout autre, obtint des deux Gorgones survivantes (Sthéno et Euryale), l'autorisation de le prendre, et il le plaça aussitôt dans l'un de ses nombreux domaines (où un héros bien connu le trouvera plus tard).

En parlant de Bellérophon, il est amusant de constater que la vie du jeune homme est semblables par certains aspects, à celle du fameux Héraclès - Hercule (si vous désirez en savoir un peu plus sur ses exploits, je vous recommande la lecture de plusieurs de ses aventures : son combat contre l'Hydre de Lerne, la capture de Cerbère et la mise à mort de la Nymphe Scylla). Tout comme le héros Thébain, il était né des amours illégitimes d'une mortelle et d'un dieu (Héraclès est le fils de Zeus et Alcmène) ; mais son divin géniteur était Poséidon. Comme son musculeux collègue, Bellérophon avait dans sa jeunesse commis un crime involontaire (Héraclès sous le coup de la colère ou par sa maladresse a tué son professeur, le Centaure Chiron) et il fut condamné, pour l'expier, à se mettre au service d'un roi (Proétos), et à exécuter les tâches que celui-ci aurait à lui confier. Mais, contrairement à Héraclès, Bellérophon n'était ni puissant, ni courageux ; il ne pouvait compter pour s'acquitter de ses épreuves, que sur la divine protection de son père (c'est ce que l'on appelle communément un fils à papa)...

La première et la plus difficile des missions que lui imposa Proétos fut d"aller terrasser la Chimère. Sachant très bien à quoi s'attendre avec cette étrange créature (et n'ayant aucune envie de l'affronter à la loyale), le "héros" alla aussitôt demander l'aide du maître des flots. Celui-ci désireux d'aider son fils lui fit présent du cheval ailé Pégase, ainsi que d'un mors en or permettant de le diriger :

"- Grâce à pégase, lui dit-il, tu pourras attaquer la Chimère par la voie des airs."

Suivant les conseils de son père, Bellérophon entama un combat assez inégal avec l'infortunée cracheuse de flammes. Sa victoire sur l'hybride fut le prototype de toutes celles qu'il remporta par la suite pour le compte du roi sur des adversaires nombreux et variés. C'est ainsi, par exemple, qu'il mit en déroute, à lui seul, la tribu entière des Amazones, sans avoir à tirer la moindre flèche : la seule vue de la monture du héros avait suffit à les frapper de panique...

Bellérophon contre la Chimère
Une autre version du combat de Bellérophon contre la Chimère par le talentueux François Baranger.

Grisé par tant de victoires faciles, le héros devint bientôt bouffi d'orgueil, ne mettant bientôt plus aucune limite à ses ambitions. Il conçut le projet insensé, de s'envoler jusqu'à l'Olympe, pour parader fièrement devant l'assemblée des dieux.

Zeus décida alors de mettre un terme à ses exploits. Au moment où Bellérophon allait parvenir à atteindre la demeure des divins, un taon, dépêché par le roi des dieux, piqua furieusement la croupe de Pégase. Surpris par cette attaque sur son séant, le coursier céleste fit une ruade, et Bellérophon désarçonné, s'écrasa au sol, après une chute interminable.

Après avoir triomphé d'une foultitude de créatures et d'ennemis, il était terrassé par un simple insecte...

Cette troisième et dernière version n'a pas été gardée pour la fin par pur hasard. Vous avez ainsi pu assister à la chute du héros au sens métaphorique et littéral. Dépeint comme un vaillant héros dans le premier récit, il passe pour un profiteur dans le second (en s'appropriant le mérite de ses exploits alors que Pégase semble y être pour beaucoup) et enfin, dans la dernière partie, il devient un lâche qui doit uniquement sa réussite à l'aide de son paternel. Une déchéance en trois actes pour un héros qui semblait si prometteur.

Maintenant que vous avez pu vous imprégner des exploits du cheval ailé, il serait peut-être temps d'analyser un autre récit qui nous expliquera plus en détail...

La capture de Pégase :

Pour traiter de ce sujet, les Olympiques de Pindare - recueil d'odes composées par le poète grec Pindare (un fervent défenseur des traditions et du régime aristocratique qui a vécu au VIème siècle avant J.C.), qui célèbre les athlètes à l'occasion des jeux olympiques le tout saupoudré de nombreuses références mythologiques - nous offrent un texte fort complet et détaillé qui nous explique comment Pégase est devenu le compagnon de voyage du héros. Voyez plutôt :

"Bellérophon brûlait du désir de dompter Pégase qui devait le jour à l'une des Gorgones, aux cheveux hérissés de serpents ; mais ses efforts furent inutiles jusqu'au moment où la chaste Pallas (Athéna) lui apporta un frein enrichi de rênes d'or. Réveillé en sursaut d'un sommeil profond, il la voit apparaître à ses yeux et l'entend prononcer ces paroles : 

"Tu dors, roi, descendant d'Éole ! Prends ce philtre, seul capable de rendre les coursiers dociles ; après l'avoir offert à Neptune (Poséidon), ton père, immole un superbe taureau à ce dieu si habile à dompter les coursiers.

La déesse à la noire égide ne lui en dit pas davantage au milieu du silence de la nuit. Bellérophon se lève aussitôt et, saisissant le frein merveilleux, le porte au fils de Coeramus (un augure du nom de Polyidos), le devin de ces contrées. Il lui raconte la vision qu'il a eue, comment, docile à ses oracles, il s'est endormi pendant la nuit sur l'autel de la déesse et comment cette fille du dieu, à qui la foudre sert de lance lui a donné elle-même ce frein d'or sous lequel doit plier Pégase. Le devin lui ordonne d'obéir sans retard à ce songe et d'élever un autel à Minerve Équestre (Athéna Hippia), après avoir immolé un taureau au dieu, qui de ses ondes environne la terre.

C'est ainsi que la puissance des dieux rend facile ce que les mortels jureraient être impossible et désespéreraient même d'exécuter jamais. Tressaillant d'allégresse, l'intrépide Bellérophon saisit le cheval ailé : tel qu'un breuvage calmant, le frein dont il presse sa bouche modère sa fougue impétueuse ; alors, s'élançant sur son dos, Bellérophon, revêtu de ses armes, le dresse au combat en se jouant. Bientôt, transporté avec lui dans le vide des airs sous un ciel glacé, il accable de ses traits les Amazones, habiles à tirer de l'arc, tue la Chimère qui vomissait des flammes et défait les Solymes. Je ne parlerai point de la mort de Bellérophon : je dirai seulement que Pégase fut reçu dans les étables de l'immortel roi de l'Olympe."
- Pindare, Olympiques.

Pégase
Pégase s'élançant dans les cieux (par Artylay).

D'autres auteurs et ouvrages nous donnent leur propre version de cette partie du mythe. Selon le "Poeticon astronomicon" - texte rédigé en prose qui dresse la liste des différentes constellations (dont celle de Pégase) et attribué (peut-être à tort) à l'historien romain Hygin (qui a vécu durant le Ier siècle avant J.C.) - , Proétos, sachant que Bellérophon dispose du mythique coursier ailé, l'envoie aider le père de Sthénébée - autre nom de Philonoé - (Iobatès), afin de lui permettre de défendre la vertu de sa fille. Strabon - géographe grec qui a vécu durant le Ier siècle avant J.C. - quant à lui précise que Pégase est capturé par Bellérophon alors qu'il se désaltérait à la fontaine de Pirène.

Certaines sources par-contre décrivent d'une manière plus originale cette partie du mythe. On peut par exemple citer Pausanias - géographe grec (encore une fois) du IIème siècle connu principalement pour son ouvrage intitulé : "Description de la Grèce". Ces écrits prennent la forme d'une sorte de guide de voyage nous donnant la liste des sites que l'auteur à visité, accompagnée par les mythes et légendes qui s'y rapportent. Certains voient en lui une sorte de précurseur de la philologie (étude et comparaison des sources écrites afin de tenter d'extraire le contenu originel de ces dernières) - qui mentionne le fait que Pégase est amené à Bellérophon par la déesse Athéna, déjà dompté et soumis au frein par ses soins, ou le pseudo-Hésiode - de nombreuses oeuvres ont été à tort attribuées au fameux poète grec - et son "Catalogue des femmes" - poème épique grec qui retrace la généalogie d'héroïnes mythologiques célèbres et de leurs descendants -, où il question de Poséidon qui offre Pégase au héros alors que ce dernier errait dans la lande en quête d'une solution viable pour vaincre la Chimère...

Cette longue énumération de sources, textes, poètes et géographes de tout poil à dû au mieux vous coller la migraine, au pire vous faire tomber dans les bras de Morphée... Pour vous changer les idées, quittons pour un moment la Grèce antique et dispersons nous au sud, à l'est et à l'ouest afin de découvrir...

Les origines du coursier ailé :

Durant le XXIème siècle, deux courants de pensée se sont affrontés au sujet des origines du cheval ailé. Le premier soutenait que Pégase était issu de l'Asie, tandis que le second penchait plus pour une origine européenne.

Une théorie plus récente sous-entend que l'équidé ailé est peut-être issu d'une ancienne divinité de la mythologie hittite : Pihassassa - "pihassas" signifie éclair dans la langue louvite (surtout employée en Asie Mineure, au IIème millénaire avant J.C., elle serait à l'origine de la langue lycienne) et la racine "piha" semble faire référence à la luminosité et à la splendeur. Le mot Pihassassa est soit le nom d'un dieu de la foudre et du tonnerre hittite, soit une variante voire un autre titre pour désigner le seigneur des tempêtes Tarhu (lui-même lié à la divinité majeure Teshub, du panthéon hourrite), déité de l'orage surtout connue pour son affrontement avec le serpent Illuyanka (qui est lui comparable à Typhon, mais ça c'est une autre histoire).

Pégase
Une autre représentation de Pégase (qui lui donne un air plus aviaire) faite par April Schumacher.

Selon l'historien spécialisé dans le cheval Marc-André Wagner (d'origine française), les premières représentations de chevaux ailés datent du XIXème siècle avant J.C., chez les proto-hittites (ce qui renforce la théorie du lien étroit entre Pégase et Pihassassa). Il est donc fort possible que le mythe se soit progressivement répandu en Assyrie (ancienne région du nord de la Mésopotamie qui tire son nom de la ville d'Assur), puis ait gagné l'Asie Mineure (appelée aussi Anatolie, il s'agit d'une péninsule située à l'extrémité occidentale de l'Asie) pour enfin se diffuser progressivement dans la nation grecque - une grande partie de la légende de Pégase et Bellérophon se déroule en Lycie, ce qui semble montrer qu'il existe un lien entre cette région et la cité de Corinthe (l'une des plus importantes cités de la Grèce antique), dont l'illustre équidé ailé était l'un des emblèmes.

Si par le passé le taureau ailé était censé être le porteur d'éclairs en orient, il a peu à peu été remplacé par le cheval (souvenez-vous que dans les mythes grecs, Pégase est chargé de transporter les foudres de Zeus). Certains philologues pensent d'ailleurs que le cheval ailé est issu d'une très ancienne divinité des orages (un culte à sans doute dû lui être rendu) connue des peuples louvitophones (ai-je besoin de préciser de qui il pourrait s'agir ?). Le nom louvite de la déité a probablement dû évoluer vers le lycien, puis le grec ancien, tandis que les éléments originels qui la composait sont peu à peu tombés dans l'oubli. Cette hypothèse ferait du mythe de Pégase, une sorte de survivance (ou d'évolution) de l'antique déité des orages, lui évitant le triste sort de finir oubliée de tous (certains disent qu'elle est devenue un "cheval héros" pour ne pas concurrencer Zeus dans son rôle de seigneur de la foudre et du tonnerre)...

Pihassassa à beau être le probable ancêtre de Pégase, il ne faudrait pas oublier les autres chevaux ailés qui pullulent dans les contes, légendes et mythes de l' Eurasie (continent formé par l'Europe, l'Asie, sans oublier une bonne partie du Nord de l'Afrique). Plutôt que de citer bêtement une liste longue comme mon bras de noms biscornus, je vous laisse découvrir à votre aise les descriptions de quelques-unes de ces créatures apparentées à la gent équine (avec en sus un "résumé" de leur mythe).

Chevaux ailés de Tarquinia :

Il s'agit d'un ensemble de chevaux ailés sculptés en haut-relief qui provient de l'Ara della Regina (l'"Autel de la Reine") - le site se constitue de vestiges d'un grand sanctuaire étrusque (une civilisation disparue basée dans une partie de l'Italie appelée l'Étrurie et dont les origines restent incertaines à ce jour) -, plus précisément du fronton d'un temple de l'ancienne acropole étrusque de Civita (commune italienne située dans la région de Calabre).

Conservés aujourd'hui au Musée archéologique national de Tarquinia (situé dans la ville du même nom), ces antiques chevaux de pierre (qui daterait du IVème ou IIIème siècle avant J.C.) étaient probablement peints à l'origine mais leur restauration n'a pas permis d'en trouver la moindre trace.

Pégase
Version fort originale de Pégase (notez le "détail" des ailes) superbement illustré par Antonello Venditti.

Informations complémentaires :

- Le haut-relief est une technique de sculpture en trois dimensions (les quatre Ramsès du temple d'Abou Simbel en sont un bon exemple) et d'influence hellénistique.

Chollima :

Appelé aussi Chonma (en abrégé), Quianlima ou Senrima, son nom signifie littéralement : "mille lieues cheval". Originaire de l'Asie Centrale (et plus précisément de la mythologie chinoise), on prétend que cet équidé est bien trop rapide pour être monté et qu'il est capable de parcourir mille lieues par jour (d'où le nom vous me direz).

Représenté le plus souvent sous la forme d'un cheval ailé - comme en témoignent les statues de Pyongyang (capitale de la Corée du Nord) à son effigie -, il est devenu le symbole de l'héroïsme et de l'esprit combattif du peuple coréen, avançant à la vitesse de Chollima.

Pour en revenir à la Chine, la légende de Lièvre Rouge (consultez les "informations complémentaires" de ce chapitre pour en savoir plus sur le sujet) présente de fortes similitudes avec celle de Senrima (on le décrit comme un cheval capable de parcourir mille lieues en une seule journée et impossible à être dompté par un simple être humain), il n'est donc pas difficile de faire le lien entre les deux... quant à savoir qui de nos deux compères est le doyen... tentez de le deviner sur la base des données que je vous ai déjà fournies.

Informations complémentaires :

- Lièvre Rouge, cité dans les Chroniques des Trois Royaumes, est un illustre cheval qui aurait vécu à la fin de la dynastie Han et aurait servi de monture au guerrier Lü Bu, parti affronter le bandit Zhang Yan (chef des brigands de la montagne Noire qui portera plus tard le titre de marquis après avoir rejoint les rangs de l'armée du seigneur de guerre Cao Cao). 

Le cheval véloce changera de nombreuses fois de "propriétaire", Lièvre Rouge sera d'ailleurs renommé "Éclair de Feu" par le général Guan Yu. À la mort du guerrier, le pauvre équidé se laissera mourir d'inanition...

- Appelées aussi : "Sanguo Zhi", les Chroniques des Trois Royaumes constituent une sorte de document historique qui retranscrit les évènements de la fin de la dynastie Han (qui a régné sur la nation chinoise de 206 avant J.C. à 220 après J.C. et a été la seconde dynastie impériale) ainsi que la période des Trois Royaumes en Chine (de 220 jusqu'à 280). 

Considérée comme la compilation la plus complète de textes sur le sujet, elle servira d'inspiration pour la rédaction du roman épique : "Les Trois Royaumes" (une brique de plus de deux mille pages... bon courage à celui ou celle qui tentera de le lire), écrit par Luo Guanzhong et publié au XIVème siècle.

Ponkhiraj :

Considéré comme le roi des oiseaux dans les contes populaires du Bangladesh (pays du sous-continent indien), cette créature est le plus souvent représentée sous la forme d'un cheval blanc ailé, il est d'ailleurs possible d'admirer sa statue à Dinajpur (district du Bangladesh).

Tarkshya :

Dans le védisme - le Veda (qui signifie "vision" ou "connaissance" en langue sanskrit) est un ensemble de textes sacrés qui auraient été révélés aux sages indiens et transmis oralement de brahmane à brahmane -, Tarkshya est un cheval (presque certainement doté d'ailes) qui personnifie le soleil (notez bien ce détail il sera développé plus tard).

Il semble qu'à l'origine, cette créature soit liée à Dadhikra - cheval divin qui personnifie le soleil matinal et est mentionné dans le Rig-Véda (hymnes sacrés de l'Inde antique considérés comme les plus anciens documents rédigés en langue sanskrit). Plus tard, il prendra le forme d'un oiseau et sera souvent confondu avec Garuda l'aigle mythique gigantesque (qui serait le fils de Tarkshya).

L'équidé céleste a pour géniteur : Kashyapa (considéré dans l'hindouisme, comme étant le père de l'humanité et de biens d'autres entités) et, dans certaines versions, il sert de monture à Surya le dieu solaire.

Pégase
Illustration de d'IridescentFaerie.

Informations complémentaires :

- Souvent associés à la loi, à la religion et à la connaissance, les brahmanes sont des membres respectés qui composent l'une d'une des quatre castes hindoue.

- En Inde il existe quatre castes (cinq pour être exact si l'on compte les intouchables ou dalits, considérés comme hors-caste) qui sont associées à une hiérarchie pyramidale. Il y a d'abord au sommet, les brahmanes (prêtres), ensuite vient le tour des kshatriyas (guerriers), suivis par les vaishyas (marchands), eux-mêmes talonnés par les Shudras (serviteurs).

Teke-Sarghïl :

"La jument noire qui a des ailes avait mis bas un poulain, coursier rapide à robe rousse, pensant qu'il serait digne de Töshtük, fils d'Eleman... Ce cheval roux, ce coursier rapide, a accompli sa cinquième année. C'est maintenant un beau coursier.

Voici comment il est, le cheval Teke-Sarghïl (Roux-comme-Bouc) : il a un large poitrail et une crinière courte ; c'est une bête bonne à monter dans la bataille. Töshtük, fils d'Eleman, est bien heureux d'avoir rencontré une bête d'une telle qualité.

O Töshtük ! Ce splendide animal, incomparable, ton Sarghïl, vint au-devant de toi ! Il hennit et fronça le front, puis il s'arrêta, et il t'attendit, ton Sarghïl !

Ensuite, il releva le cou comme un cerf, et il se tint devant Er-Töshtük, allongeant le col. À le regarder, comme on lui passait la bride, c'était comme un autre être qu'une bête. Était-il possible qu'un tel animal eût été créé ?

Il avait la queue majestueuse et une jolie crinière. Une lueur brillait sur son front. Il n'avait pas de couronne au sabot. C'était un véritable cheval ailé, un Toulpar (Pégase). Il avait été créé à une heure faste, juste à l'instant où il devait être réservé, par le Destin, à Er-Töshtük en personne."
- Extrait d'"Aventures merveilleuses sous terre et ailleurs de Er-Töshtül le géant des steppes".

Tout d'abord, pour clarifier les choses, le récit d'Er-Töshtük est une branche du cycle de Manas - épopée nationale du Kirghizistan issue à la base, des traditions orales.

N'ayant pas encore eu le temps de lire ce texte dans son intégralité (l'épopée en question est plus indigeste à lire que les contes "classiques"), je vous ai tout de même laissé l'échantillon ci-dessus.

Pour ceux qui ont du mal à s'y retrouver dans l'histoire (qui est un brin abrupte), Er-Töshtük, le héros du mythe, découvre Teke-Sarghïl le cheval ailé (dont l'espèce porte le nom de Toulpar ou Tulpar) et décide d'en faire sa monture.

Après quelques recherches sur ce flamboyant équidé, j'ai pu constater de nombreuses similitudes avec un cheval mythique issu d'une source différente.

En effet, l'épopée d'Er-Töshtük parle de Tchal-Kouyrouk ("Queue gris cendré"), un cheval merveilleux capable de voler, de marcher sous les flots et de parler. Il assiste son maître et veille sur lui en toute circonstances, tout en lui prodiguant ses conseils. Son cavalier doit le fouetter jusqu'au sang en lui arrachant un morceau de chair "gros comme un mouton" pour que des ailes lui sortent des flancs, le rendant capable de franchir d'incroyables distances.

"Les pouvoirs de ce cheval sont bien supérieurs à ceux de l'homme, bien qu'il doive payer un lourd tribut afin que ses capacités soient opérationnelles..."

Un troisième larron n'est pas à négliger. Ce dernier issu de l'Épopée de Manas elle-même, répondra au doux nom de : Kak-Kula. Manas, le héros du récit, devra capturer ce Tulpar pour mener à bien sa quête. Au cours de l'histoire, sa fidèle monture perdra sa capacité à voler.

Deux autres Tulpar sont présents dans les contes kirghizes : Karay-Boz aux quarante ailes (comme si deux ne suffisaient pas amplement), le cheval de son rival, et, Blanc-espiègle.

En prenant en compte les multiples similitudes (et le fait qu'elles soient issues d'une tradition commune) de ces trois créatures, il serait aisé de tirer la conclusion qu'elles sont intimement liées voire qu'elles sont une seule et même créature (à vous de choisir l'explication qui vous siéra le mieux).

Pégase
 Illustration fort détaillée de Raindrops.

Informations complémentaires :

- Appelé aussi la République Kirghize, le Kirghizistan est un pays extrêmement montagneux, situé en Asie centrale et peuplé à l'origine par des populations nomades : les Kirghizes.

Tianma :

Issu du folklore chinois, Tianma est dépeint comme un cheval céleste dont le rôle principal est de protéger les vers à soie. Durant la dynastie Zhou (troisième dynastie de la Chine qui prendra le pouvoir au XIème siècle avant J.C.), Tianma désignait également la constellation du cheval céleste.

La légende la plus connue au sujet du ver à soie raconte que l'impératrice Xi Ling-Shi buvait tranquillement son thé sous les feuilles d'un mûrier lorsqu'un cocon tomba dans sa tasse. En voulant récupérer ce visiteur importun qui prenait ses aises dans sa boisson, un fil de soie douce se détacha et plus elle tirait dessus, plus il s'allongeait... L'enroulant autour de son doigt pour pouvoir tirer encore, elle ressentit une chaleur agréable qui se dégageait de cet anneau naturel improvisé. Peu après, l'impératrice parla de sa découverte autour d'elle et la nouvelle se propagea plus vite qu'une armée de sauterelles... La sériciculture était née (pour en savoir plus sur le sujet, consultez la petite annexe à la fin de ce chapitre).

Un mythe fort intéressant, mais qu'en est-il de notre équidé ailé ? Et bien...

L'histoire se déroule il y a fort longtemps dans la Chine millénaire. Cannü, une ravissante jeune fille qui vivait avec sa mère, était en deuil jour pour jour depuis un an. En effet, son père avait été fait prisonnier par des brigands voilà une année et il restait peu d'espoir de le revoir un jour vivant. Son seul réconfort était l'étalon qui avait servi de monture à son géniteur (dont elle prenait grand soin), et qui avait rejoint la demeure familiale peu après ces tragiques évènements.

Un beau jour, lassée d'attendre, la mère de Cannü annonça à la ronde qu'elle offrirait la main de sa fille à quiconque ramènerait son époux vivant. À l'annonce de cette nouvelle, l'étalon disparut un beau jour et revint peu après avec le géniteur de Cannü juché sur son dos. La jeune fille explosa de joie en voyant son père de retour, mais face à la colère que l'animal manifestait chaque jour d'avantage, la mère de celle-ci finit à contrecoeur par révéler à son mari la promesse saugrenue qu'elle avait faite en désespoir de cause. Ce dernier éclata de rire à l'idée que sa fille épouse son cheval. Par une fraiche nuit, sans rien dire à personne, il se glissa silencieusement vers sa monture et d'une flèche adroitement décochée, frappa le pauvre animal entre les deux yeux. Une fois certain que son infortuné sauveur était passé de vie à trépas, il s'empressa de le dépecer puis il fit sécher sa peau.

Cannü découvrit avec horreur la peau du cheval, qui, animée d'une vie propre, se plaqua contre son corps et l'emporta dans les airs. Les parents retrouvèrent plus tard la peau suspendue aux branches d'un mûrier et leur fille métamorphosée en chenille à tête de cheval, dévorant à pleine bouche les feuilles de l'arbre tandis que son corps grossissait à vue d'oeil. Peu après, elle sécréta un fil qui la recouvrit entièrement et son père sut que l'étalon qu'il venait lâchement d'abattre était un dieu.

Sous le choc, les parents de Cannü ne se rendirent pas de suite compte que le cocon et la peau du cheval s'étaient volatilisés. Atterrés par ce nouveau coup du sort, ils crurent leur fille perdue à jamais, quand soudain ! Fendant les nuages, cette dernière réapparut juchée sur le dos de Tianma auquel de ravissantes ailes avaient poussé.

Cannü venait de rejoindre les rangs innombrables des déesses ; elle enseigna la production de la soie à ses parents qui transmirent à leur tour ce secret.

Pégase
Une splendide illustration de Rhads dont les couleurs chaudes et le soin du détail frisent la perfection (mais je m'emballe un brin)...

En guise de petite conclusion sur le sujet de Tianma (principalement à titre informatif, donc, ne vous sentez pas obligés de lire cette partie si vous n'en éprouvez pas l'envie), je vais vous résumer le principe de la sériciculture (l'élevage des vers à soie). Cette technique particulière a été jalousement gardée par les Chinois jusqu'en 560.

Les larves sont disposées sur des mûriers (elles se nourrissent des feuilles) puis, après s'être gavées, elles tisseront un cocon de soie afin de se changer en chrysalides à l'intérieur du cocon. Huit à dix jours après cette phase, les cocons sont extirpés de leur supports, étouffés dans des étuves qui atteignent entre 70 à 80 degrés (la chrysalide doit être tuée sans abîmer le cocon), puis placés dans de l'eau bouillante afin de ramollir la séricine (colle naturelle) qui entoure les brins de soie.

La suite consistera à prendre plusieurs fils des cocons pour en rassembler plusieurs (ceux-ci étant trop fins), ils finiront par se souder entre-eux grâce à la séricine qui commencera tout doucement à se refroidir. Les fils seront alors enroulés sur des "dévidoirs"... et le reste coule de source. Sur-ce, revenons à nos chevaux... moutons.

Informations complémentaires :

- Le ver à soie ou bombyx du mûrier est une espèce de papillon dont les chenilles (larves) ont été élevées pendant des millénaires par l'empire de Chine afin de produire la soie si prisée des commerçants (la route de la soie devrait vous dire quelque chose).

Uchchaihshravas :

Une autre créature mythique de l'Inde, tient une place de choix au sein d'une légende pouranique - Purana est le nom d'un groupe de textes sacrés de la littérature indienne. On y parle de la création du monde, de récits mythologiques, de l'apparition de l'homme, et j'en passe... En résumé, il s'agit d'un condensé de contes, légendes et traditions de l'hindouisme - qui explique, que le premier cheval a émergé des profondeurs de l'océan. Il s'agissait d'un équidé immaculé doté d'une paire d'ailes (vous avez fait le rapprochement je suppose) et appelé Uchchaihshravas (à vos souhaits).

La légende raconte également qu'Indra - seigneur des Devas (dieux), déité de la pluie et du tonnerre - a emporté ce magnifique cheval au sein de son royaume, le Svarga (un des sept plan de la cosmologie hindoue qui correspond au paradis), pour lui couper les ailes et le présenter à l'humanité - les ailes furent tranchées afin que le cheval demeure au royaume de la terre (Prithvi) et ne puisse plus retourner au Svarga...

Uchchaihshravas (dont le nom pourrait se traduire par : "longues oreilles") est décrit dans d'autres versions comme un cheval ailé (jusque-là rien de nouveau) pourvu de sept têtes... Cette créature unique est considérée tout à la fois comme le roi des chevaux, le meilleur de son espèce et le prototype parfait des équidés.

Uchchaihshravas
Logo de Dark Horse Records (fortement basé sur Uchchaihshravas), la maison de disques fondée par George Harrison (l'un des membres des Beatles).

Ce défilé de chevaux ailés montre clairement que ces derniers sont massivement présents dans presque toute l'Eurasie (continent formé de l'Europe et de l'Asie pour rappel). Si d'aventure vous désirez encore creuser le sujet, je vous conseille fortement de chercher des informations sur les exploits d'Ilia Mouromets (héros populaire slave qui aurait chevauché un cheval ailé), la monture de Vâyu (divinité hindoue de l'élément céleste et gardienne du nord-ouest), sans oublier les équidés ailés chinois qui suivent : Feima, Longma, Shenma et Hanxuema.

D'autres mythes semblent partager des traits communs avec la légende de Pégase, sans pour autant que l'on puisse vraiment déterminer s'il y a des inspirations ou influences collectives. La mythologie comparée (créé par Max Müller, un philologue Allemand, cet outil offre l'opportunité d'étudier plus aisément les mythologies de plusieurs peuples à la fois) permet cependant de mettre en lumière ces points communs parmi les mythes et traditions des indo-européens.

La création des sources d'Hippocrène (consultez le chapitre intitulé : Pégase et les Muses pour en savoir plus sur le sujet) peut donc être mise en lien avec l'apparition des sources de l'Ashvamedha (sacrifice védique du cheval), l'équidé blanc Kalkî (la dernière incarnation du dieu Vishnou) - appelé aussi Kalkin, cet avatar du grand protecteur est souvent représenté comme un être humanoïde à tête de cheval ou sous les traits du dieu montant un cheval immaculé. L'entité est censée protéger les brâhmanes et vaincre le mal des mondes - est vu comme un cheval ailé qui aura pour tâche de détruire le monde d'un coup de sabot (inversant ainsi l'acte de création opéré par les autres), et n'oublions pas non-plus ce bon vieux cheval Bayard, qui, dans sa fuite, prendra un départ si fulgurant qu'il en marquera la roche de son empreinte et créera une crevasse qui deviendra bientôt un étang (encore un élément à mettre en parallèle avec les sources).

Ce thème de création des flots qui sied à merveille aux Élémentaires aquatiques se retrouve encore dans bien d'autres contes, mythes, légendes, sous des formes "altérées" (citons par exemple le conte celto-irlandais où il est question d'un cheval merveilleux qui permet à son cavalier de parcourir les flots en toute sécurité tout en galopant à des vitesses inimaginables). Il semble qu'il soit possible d'en trouver des traces dans le folklore hindou, perse, celtique, grec,... Ce qui laisse à penser qu'il aurait existé un mythe commun d'inspiration chamanique (culte des Esprits qui sont censés vivre dans chaque chose), mettant en scène un cheval psychopompe ("guide des âmes") habilité à franchir mondes et frontières (d'où son lien avec l'élément liquide).

Maintenant que vous avez une meilleure idée des origines possibles de Pégase, peut-être serait-il temps de revenir dans la Grèce antique pour assister en détail à la naissance de cet Élémentaire ailé...

L'éveil d'un Élémentaire :

Comme vous le savez déjà, Pégase est né à l'instant où la Gorgone Méduse (qui est parfois représentée avec une tête de cheval) a eu la tête tranchée par le héros Persée (Marie-Antoinette - dernière reine de France, exécutée par décapitation en 1793 lors de la fameuse "Révolution française" - n'a qu'à bien se tenir...).

Naissance de Pégase
La naissance de Pégase (par Linda Lisa West).

La plupart des auteurs (notamment le "Pseudo-Apollodore", déjà cité précédemment) mentionnent le fait que l'équidé ailé s'extirpe du corps de la Gorgone à l'instant où elle perd la tête (au sens littéral). Les "Fastes" (ouvrage réalisé par le poète latin Ovide) quant à elles nous décrivent ce moment en ces termes :

"...les hommes croient que Pégase s'élança avec sa crinière éclaboussée de sang depuis le cou tranché de Méduse alors qu'elle était enceinte. Comme il se glissait au-dessus des nuages et sous les étoiles, le ciel était sa terre et les ailes étaient ses pieds."
- Ovide, Fastes.

Tandis que les "Métamorphoses" (du même auteur) nous assurent que Pégase est né du sang de la créature (c'est peut-être un détail mais il prête à confusion) - des variantes dépeindront le sang de Méduse qui soit, s'écoulera jusqu'à la mer, se mélangeant à l'écume, d'où le cheval ailé jaillira des vagues, soit formera une sorte de source étincelante qui permettra à Pégase de faire son entrée.

Ces éléments sont là pour nous prouver une chose : Méduse est la mère du cheval ailé ! (même si la méthode de conception est assez glauque sur les bords) Si nous savons qui est la génitrice de notre cabriolant ami, reste à savoir l'identité du père... Et encore une fois, Ovide sera là pour nous donner la réponse :

"Clarissima forma
multorumque fuit spes inuidiosa procorum
illa, neque in tota conspectior ulla capillis
pars fuit ; inueni, qui se uidisse referret.
Hanc pelagi rector templo uitiasse Mineruae
dicitur ; auersa est et castos aegide uultus
nata Iouis texit ; neue hoc inpune fuisset,
Gorgoneum crinem turpes mutauit in hydros.
- Ovide, Les Métamorphoses.

Pour ceux qui n'ont pas une maîtrise en latin, en voici la traduction :

"Très célèbre pour sa beauté,
Méduse éveilla l'espoir jaloux de nombreux prétendants
et, de toute sa personne, rien n'était plus remarquable
que sa chevelure ; j'ai connu quelqu'un qui disait l'avoir vue.
Le maître de la mer l'aurait outragée dans le temple de Minerve
la fille de Jupiter se détourna, dissimula derrière son égide
son chaste visage et, pour ne pas laisser cet acte impuni,
transforma les cheveux de la Gorgone en hydres affreuses."
- Ovide, Les Métamorphoses.

Si vous regardez le texte de plus près, vous pouvez voir que le père du cheval ailé est désigné sous le titre de : "maître de la mer". Il n'est donc pas compliqué de deviner qui est finalement "l'heureux père", à savoir : Poséidon (ou Neptune selon votre convenance), le seigneur des flots.

Hésiode - le fameux poète grec du VIIIème siècle avant J.C. a qui l'ont doit principalement : la "Théogonie", "Les Travaux et les Jours" et "Le Bouclier d'Héraclès" - quant à lui nous dit que :

"Poseidaôn (Poséidon) aux cheveux noirs s'unit à Médousa (Méduse) dans une molle prairie, sur des fleurs printanières."

Il semble au passage que l'épithète : "aux cheveux noirs" ait été traduit plus récemment par : "Sombre-crinière", laissant à penser que Poséidon a pris la forme d'un cheval noir d'ébène pour "séduire" (à mettre ici entre parenthèse vu qu'il s'agit en réalité d'un viol au sein d'un lieu sacré) Méduse...

Si la plupart des folkloristes ou théologiens parlent de la naissance de Pégase, beaucoup semblent oublier qu'il n'est pas le seul à être sorti de la dépouille de la Gorgone...

L'éveil des deux frères :

"Persée lui trancha la tête, la sépara du cou.
Alors jaillit le grand Khrysaor, et le cheval Pégase.
Ils tenaient leurs noms, l'un de ce qu'il était né près des sources d'Océan, l'autre de ce qu'il avait en main une épée d'or.
L'un s'envola, quittant la terre, mère des moutons, il alla chez les Immortels.
Il habite la maison de Zeus et il apporte à Zeus le sage, le tonnerre et l'éclair."
- Hésiode, Théogonie.

Étant donné que ce texte est un peu abrupt au niveau de la compréhension de certains termes, je vous met ci-dessous une seconde version plus lyrique (quoiqu'un brin redondante) :

"Lorsque Persée lui eut tranché la tête, on vit naître d'elle le grand Chrysaor et le cheval Pégase. Pégase mérita son nom parce qu'il était né près des sources de l'Océan, Chrysaor parce qu'il tenait un glaive d’or dans ses mains. Pégase, quittant une terre fertile en beaux fruits, s'envola vers le séjour des Immortels, et il habite le palais de Jupiter, de ce dieu prudent dont il porte le tonnerre et la foudre."
- Auteur ou traducteur inconnu (la version semble romanisée), Théogonie.

Dans les deux extraits, il est question de la décapitation de Méduse par le héros Persée et de la naissance des deux frères : Pégase et Chrysaor, libérés de leur prison de chair, qui jaillissent de la dépouille de leur infortunée mère (adultes tous les deux et complètements formés).

Pégase
Ravissante illustration de Renelana mariant agréablement les tons chauds et froids.

A ce sujet (et au risque de me répéter), le Pseudo-Apollodore nous dit (dans les grandes lignes) que Pégase et Chrysaor bondissent hors du corps de Méduse à l'instant où elle est décapitée, et que leur père n'est nul autre que Poséidon. La plupart des autres auteurs décriront la scène de manière similaire - Lycophron (poète grec du IVème siècle avant J.C. qui aurait écrit un grand nombre de poésies et tragédies), Strabon (géographe grec né en 64 avant J.C.), Hygin (Caius Julius Hyginus de son vrai nom, auteur et grammairien latin) et Nonnos de Panopolis (un nom des plus original pour ce poète grec apparu vers le Vème siècle après J.C.) - hormis Ovide, qui, dans ses Fastes, nous dépeindra l'évènement ainsi :

"...dumque grauis somnus colubrasque ipsamque tenebat,
eripuisse caput collo pennisque fugacem
Pegason et fratrem matris de sanguine natos."
- Ovide, Les Métamorphoses.

Sans oublier sa traduction pour bien faire :

"...et tandis qu'elle (Méduse) et ses vipères dormaient d'un lourd sommeil,
il (Persée) lui avait séparé la tête du cou ; ensuite, du sang de leur mère
étaient nés Pégase aux ailes rapides et son frère."
- Ovide, Les Métamorphoses. 

Le doute n'est plus permis sur le fait que Pégase a eu un frère, mais à quoi ce dernier pouvait bien ressembler ?

Chrysaor :

"Lorsque Persée lui eut tranché la tête, on vit naître d'elle le grand Chrysaor et le cheval Pégase. Pégase mérita son nom parce qu'il était né près des sources de l'Océan, Chrysaor parce qu'il tenait un glaive d’or dans ses mains.

Chrysaor, uni à Callirhoë, fille de l'illustre Océan, engendra Géryon aux trois têtes..."
- Hésiode, Théogonie.

Le nom même de ce personnage énigmatique suggère qu'il brandit une épée d'or (ou un glaive suivant les traductions). Souvent représenté sous la forme d'un Géant ou d'un sanglier ailé (des versions plus rares le dépeignent sous les traits d'un cheval fauve), il est l'époux de Callirhoë l'Océanide (un genre de Nymphe aquatique) et de leur union naîtra le Géant Géryon (qui sera plus tard vaincu par Héraclès, mais c'est une autre histoire).

Pégase et Chrysaor
La naissance de Pégase et Chrysaor par Edward Burne-Jones (peintre britannique du XIXème siècle).

Selon d'autres versions, Chrysaor est également le père d'Échidna (épouse de Typhon et mère de la Chimère, de l'Hydre de Lerne, de Cerbère, d'Orthos et de bien d'autres créatures), bien que cette parentèle me laisse fortement sceptique (si Échidna est la mère de la Chimère et que Chrysaor est le père de l'épouse de Typhon, le mythe de Pégase semble fort mal se conjuguer avec le reste de la chronologie)...

À maintes reprises nous avons croisé la route du fier héros Persée, mais, hormis le fait d'avoir permis à Pégase et Chrysaor de naître d'un coup de lame miséricordieux, la connexion entre le guerrier et l'équidé céleste reste floue... Tâchons donc de trouver les liens qui unissent ces deux êtres.

Persée et Pégase :

La plupart d'entre vous ont déjà probablement regardé "Le Choc des Titans" - sa version originelle de 1981 ou son remake fort moyen (un avis personnel qui n'engage que moi) de 2010 (au passage si vous désirez en savoir plus sur le sujet, consultez les annexes à la fin de l'article) - où l'on peut voir Persée chevaucher le destrier ailé pour vaincre... le Kraken (qui était probablement fatigué du climat nordique au point d'aller prendre des vacances au soleil en Méditerranée). La question est donc : est-ce que Persée a un jour chevauché Pégase ?

La réponse à cette énigme est fort simple : non ! Si le héros grec a effectivement tranché la tête de la Gorgone pour donner naissance aux deux frères, il n'a en aucun cas eu le temps de monter sur le dos de Pégase. En effet, selon la plupart des auteurs gréco-romains (tels que Pindare ou Hésiode pour ne citer qu'eux), aussitôt né, le destrier s'enfuit des sources de l'Océan (un fleuve censé se trouver à l'extrémité occidentale du monde connu) tandis que le héros prend la poudre d'escampette grâce aux sandales ailées qu'Athéna lui avaient offertes (et qui appartenaient à Hermès, dieu des messagers, voyageurs et voleurs).

Est-ce alors une autre liberté scénaristique qu'a pris Desmond Davis ? (le réalisateur du film de 1981) Une fois encore, la réponse est non.

La croyance dans le fait que Pégase a pu devenir un jour la monture de Persée vient d'une vieille erreur d'interprétation (qui ne remonte pas à l'Antiquité vu qu'il n'y aucune trace de mythe ou d'art sur le sujet). Selon Lee Rensselaer Wright - un professeur d'histoire de l'art à Princeton (États-Unis) -, la bévue vient de la combinaison de Roger chevauchant l'Hippogriffe - hybride d'aigle et de cheval issu de la mythologie grecque... nous aurons tout le temps d'en reparler une autre fois - et terrassant une créature marine pour délivrer Angélique dans le "Roland furieux" - appelé aussi : "Orlando Furioso", il s'agit d'un poème épique du XVIème siècle fort basé sur certains épisodes de la mythologie grecque -, du mythe de Pégase et Bellérophon, sans oublier, bien entendu, le récit des aventures de Persée.

L'erreur provient du manuscrit de "L'Ovide moralisé" - un ouvrage anonyme dédicacé à Jeanne II de Bourgogne (reine de France et épouse de Philippe V). Rédigé vers le début du XIVème siècle, il s'agit d'une adaptation des "Métamorphoses" d'Ovide en vieux français (langue morte parlée principalement dans la moitié nord de la France jusqu'au XIVème siècle environ) - qui fera suivre le récit de la mort de Méduse par les exploits de Bellérophon et Pégase, créant ainsi une confusion entre les deux.

En 1497, une édition des Métamorphoses contiendra une illustration montrant Persée juché sur le cheval Pégase. Cette mauvaise interprétation du mythe servira d'inspiration à de nombreux peintres de la Renaissance pour le thème de la délivrance d'Andromède (l'épouse de Persée).

La délivrance d'Andromède Pierre Mignard
La délivrance d'Andromède par Pierre Mignard.

À partir de cet amalgame issu du Moyen-Age, la mauvaise interprétation du mythe de Persée ne cessera de se répandre à travers le monde. Au XIXème siècle, de nombreux auteurs soutiendront le fait qu'Athéna ou Poséidon ont dompté Pégase afin d'en faire don au héros Persée, qui s'envolera en Éthiopie (ancien pays d'Afrique situé à l'est du continent) pour porter secours à la princesse Andromède, livrée en sacrifice à un monstre marin (en fait il est encore possible de trouver des traces de cette erreur dans des ouvrages récents de folklore)...

Histoire de ne pas tirer à boulets rouges sur de nombreux folkloristes (et de me retrouver ainsi mis à rôtir sur un bûcher), précisons tout de même qu'en lisant (très attentivement entre les lignes) les textes du pseudo-Hésiode, on peut voir que Persée porte le titre de "dompteur de chevaux", sans oublier également la constellation de Pégase qui est proche de celles d'Andromède et de Persée (ce qui reste tout de même une tentative de justification assez tirée par les cheveux).

En guise de petite annexe pour conclure ce chapitre, voici quelques exemples de tableaux basés sur l'édition erronée des Métamorphoses : "Persée et Andromède" (de Pierre Paul Rubens, le fameux peintre baroque flamand du XVIème siècle), "La délivrance d'Andromède" (de Pierre Mignard, le peintre français du XVIIème siècle), "Persée délivrant Andromède" (par Joachim Wtewael, le peintre hollandais du début du XVIIème siècle) et "Andromède enchaînée" (de Giuseppe Cesari, un peintre italien du XVIIème)... Il existe d'autres toiles bien entendu, mais je ne compte pas dresser ici la liste de ces dernières, à vous cette fois de faire vos propres recherches.

Il est d'ailleurs maintenant grand temps de découvrir où est allé Pégase juste après sa naissance (du moins après lecture de la courte note qui va suivre).

Informations complémentaires :

- Le poète romain Horace (né en 65 avant J.C.) synthétise le mythe de Bellérophon en ces quelques mots :

"Par un terrible exemple, Pégase, l'animal ailé qui ne pût supporter Bellérophon, son cavalier terrestre, t'enseigne à rechercher toujours des objets à ta mesure, et, tenant pour sacrilège d'espérer au-delà des limites permises, à éviter un compagnon mal assorti."
- Horace.

Une phrase qui, sortie de son contexte, pourrait faire merveille pour démontrer que faire de Persée le cavalier du cheval ailé n'est pas une si bonne idée dans la compréhension du mythe...

Pégase et les Muses :

"Pégase, quittant une terre fertile en beaux fruits, s'envola vers le séjour des Immortels, et il habite le palais de Jupiter, de ce dieu prudent dont il porte le tonnerre et la foudre."
- Hésiode, Théogonie.

L'extrait ci-dessus, en provenance directe de la Théogonie, nous montre que le destrier ailé, poussé probablement par son instinct, s'est envolé - juste après s'être extirpé des flancs maculés de sang de sa défunte mère - vers l'Olympe pour se mettre au service du roi des dieux, obtenant ainsi la charge d'apporter les éclairs et le tonnerre à Zeus.

D'autres versions, plus rares, nous relatent un épisode assez méconnu de la vie du cheval ailé où ce dernier semble couler des jours heureux en compagnie des Muses sur le mont Hélicon - appelé aussi "la montagne tortueuse", il s'agit d'un massif montagneux situé en Béotie (Grèce).

Pégase

Le mont Hélicon semble étroitement lié à Pégase (et aux Muses) puisque c'est sur son sommet qu'il a fait jaillir, d'un puissant coup de sabot, la source Hippocrène - d'ailleurs, en décortiquant le nom Hippocrène (tiré du grec), nous obtenons : "hippos" pour cheval et "krênê" pour source, ce qui en substance donne : "source du cheval" ou "fontaine du cheval".

D'après les "Métamorphoses", l'Hippocrène est si fameuse que la déesse Athéna elle-même, s'y rend pour l'admirer. Guidée par Uranie (Muse de l'astronomie et de l'astrologie), la patronne des Athéniens s'approche du point d'eau et s'en fait conter l'histoire :

"Pallas (Athéna pour rappel) se dirige vers Thèbes (ville grecque assez importante situé en Béotie) et vers l’Hélicon, séjour des chastes Muses. Elle s’arrête sur ce mont, et tient ce langage aux doctes sœurs : 

"La Renommée a porté jusqu’à mes oreilles la nouvelle de cette fontaine que Pégase aux ailes rapides a fait jaillir de terre sous ses pieds vigoureux ; elle est l’objet de mon voyage : j’ai voulu voir cette merveille opérée par le coursier qui naquit sous mes yeux du sang de sa mère."

Uranie lui répond : 

"Quel que soit le motif qui te fait visiter nos demeures, ô déesse ! Ta présence remplit nos âmes de joie ; la Renommée dit vrai : c’est à Pégase que nous devons cette source."

À ces mots, elle conduit Pallas vers l’onde sacrée. La déesse admire longtemps ces eaux que le pied de Pégase a fait sortir de la terre."
- Ovide, Métamorphoses.

Hormis ce court extrait (et quelques autres fragments de textes d'autres auteurs), il n'existe pas vraiment de variantes qui pourraient démontrer de manière plus précise le lien qui unit le cheval ailé et l'Hippocrène (en dehors du fait qu'il la fait jaillir d'un coup de sabot).

La célébration de Pégase comme cheval des Muses se fera donc plus tardivement grâce à de nombreux auteurs qui tenteront de reconstituer le déroulement du mythe de l'équidé ailé. Le but de la démarche est donc de tenter de découvrir ce qui a pu conduire cette légendaire créature à frapper le mont Hélicon d'un coup de sabot pour en faire jaillir la source.

Pégase
Illustration de Yulin'ka (encore une fois).

Selon l'un de ces essais - probablement celui d'Antoninus Liberalis (un grammairien grec presque tombé dans l'oubli et associé à une version des "Métamorphoses" qui contient des oeuvres poétiques méconnues)-, le divin Apollon se met en quête du cheval ailé et, dès qu'il l'aperçoit, il l'enfourche, prend les neuf Muses en croupe et lui demande des les emmener jusqu'à la cour de Dionysos (dieu du vin et de la vigne mais également du théâtre et de la tragédie) où les patronnes des arts doivent rencontrer les Piérides (filles du roi de Macédoine elles sont censées chanter magnifiquement) afin de régler un léger désaccord.

"L'Ovide moralisé" (consultez le chapitre intitulé : "Persée et Pégase" pour en savoir plus sur le sujet) complètera ce récit, disant que sur le mont Hélicon, les Muses proposent aux orgueilleuses Piérides un concours de chant. À mesure que les concurrentes s'affrontent, le mont sacré (Hélicon) s'éveille et se met à enfler d'allégresse au point de menacer d'atteindre les cieux. Pégase reçoit alors l'ordre du père des dieux (ou de son frère Poséidon) de ramener le colosse de granit à sa taille normale.

Pendant que les Muses, désignées vainqueurs de la joute, changent les malheureuses Piérides en pies, le cheval ailé assène un puissant coup de sabot à la montagne, et aussitôt,  jaillit une source, celle qui porte le nom d'Hippocrène.

Une autre version de cette légende, qui semble provenir aussi d'Antoninus, raconte que lorsque les Muses chantaient, les cieux, les étoiles, les mers et les rivières s'arrêtaient, tandis que le mont Hélicon, ravi d'entendre leurs douces voix, enflait jusqu'à rejoindre les nuages. À la demande de Poséidon, Pégase frappera le sommet du mont de ses sabots et celui-ci reprendra une taille plus modeste.

Suite à ces évènements, le point d'eau deviendra peu après sacré pour les Muses qui s'y baignent, et ses eaux seront une source d'inspiration pour les poètes.

Informations complémentaires :

- Apparentées aux Nymphes, les Muses sont les filles de Zeus et Mnémosyne, la déesse de la mémoire. Elles incarnent les différentes facettes de l'art poétique et de la pratique du culte

- Puisque je me suis amusé à analyser le nom de l'Hippocrène, autant en faire de même pour celui de Pégase.

Le nom d'origine du cheval des Muses était "Pêgasos", qui se changea en "Pegasus" pour les Romains (et les anglophones encore aujourd'hui) et se transforma finalement en "Pégase" pour les amateurs de la langue de Molière.

- À travers les siècles, Pégase s'est vu attribuer par les poètes greco-latins un florilège de surnoms, parmi lesquels : "Hyios gorgoneus", "equus Gorgoneus" et "proepes Médusae" (fils de la Gorgone en gros), "Peirenoeos polos" (cheval de Pirène), "equus Bellerophonteus" (cheval de Bellérophon), "ales" (ailé), "aerlus equus" (cheval céleste) et "sonipes" (au pied sonore).

La source des évènements :

Si la théorie d'Antoninus et de "L'Ovide Moralisé" semble tenir la route, d'autres auteurs ont leur propre version des faits sur la raison qui a poussé Pégase à brutaliser le mont... Ovide par exemple, précise dans ses "Fastes" (ouvrage qui analyse le calendrier romain et les fêtes qui l'accompagnent pour rappel) que la créature pose lourdement son sabot pour protester contre le bridage infligé par Bellérophon (ce qui laisse sous-entendre qu'il a créé la source après la rencontre avec le jeune-homme, à contrario des autres textes). Aratos de Soles (poète grec du IIIème siècle avant J.C.) quant à lui, décrit l'évènement dans ses "Phénomènes" (long poème sur l'astronomie et ses constellations) en ces termes :

"...celui qui a été, dit-on, à l'origine de l'eau claire de l'Hippocrène : le cheval frappa de son pied droit et aussitôt l'eau jaillit."

De nombreux auteurs reprendront cet épisode, notamment Strabon (géographe grec) qui mentionne une roche sous la montagne que le cheval ailé aurait brisée de son coup de sabot. Nonnos de Panopolis (né en Égypte au Vème siècle après J.C., il fait partie d'une vague d'auteurs férus de poésie grecque) décrit la chose comme suit :

"...la fontaine qui naquit à l'endroit où le sabot humide du cheval gratta la surface de la terre et fit un creux pour l'eau qui prit son nom de lui".

N'oublions pas non-plus Hygin et Pausanias qui parlent brièvement de cet épisode. Pausanias nous relatera également l'apparition d'une autre source, près de Trézène (cité grecque située en Argolide), en ces termes :

"Entre les différentes choses qui servirent à purifier Oreste, les Trézéniens citent l'eau de l'Hippocrène, car ils ont aussi une fontaine de ce nom, ils en racontent l'origine de la même manière que les Béotiens, car ils disent que l'eau jaillit de la terre à l'endroit que le cheval Pégase avait frappé du pied."
- Pausanias, Description de la Grèce.

Et en guise d'hypothèse finale, d'autres auteurs pensent tout simplement que Pégase avait soif, ce qui le décida à créer la source histoire de pouvoir se désaltérer à son aise (les solutions les plus simples sont souvent les plus plausibles)...

Pégase frappant le mont Hélicon
Pégase (très celtique sur les bords) en train d'apposer son sabot sur le mont Hélicon.

Voici au passage quelques informations complémentaires :

- Hygin ou Caius Julius Hyginus de son nom complet était un grammairien. Devenu l'esclave de Jules César, il sera affranchi par Auguste (premier empereur romain) qui lui confiera la charge de veiller sur la bibliothèque palatine. On lui devra plus tard ses "Fables" qui seront composées de plus de trois-cent mythes rédigés de manière peu lyrique.

- En sus de l'Hippocrène, Pégase a également fait jaillir les sources d'Aganippé (situées aussi sur le mont Hélicon), celle de Pirène - située en haut de l'Acrocorinthe (citadelle de l'ancienne Corinthe) - et bien entendu celle de Trézène.

- Dans une variante du mythe, Pirène - fille du dieu-fleuve Asopos (pensez à lire les "exploits" de Sisyphe au début de ce texte si vous désirez en savoir plus sur cette histoire) - se change en fontaine, pour avoir trop longuement pleuré la mort de son fils Cenchréis (involontairement tué par Artémis, la divinité de la chasse et de la lune).

- Pirène (ou Piren) est aussi (dans certains textes) le nom d'un homme tué accidentellement par son frère, qui n'est nul autre que Bellérophon (ce qui sera la cause de l'exil du héros en devenir).

Poésie en bouteille :

Savoir comment et pourquoi la source Hippocrène est apparue est intéressant, découvrir les vertus de cette dernière l'est également (si pas d'avantage).

Selon Callistrate (Callistratos d'Aphidna de son vrai nom, un homme politique et orateur athénien du IVème siècle avant J.C.), les eaux de la source sacrée des Muses prenaient une teinte violet-noir.

Outre sa jolie couleur, quiconque boit à l'Hyppocrène se changera aussitôt en poète - cette particularité est postérieure à l'Antiquité même si elle est vaguement évoquée par Properce (poète italien né en 47 avant J.C.) dans ses "Élégies". Il est d'ailleurs fort probable que les vertus lyriques de la source, tout comme le titre de : "cheval des Muses", attribué à Pégase, soient liées au fait que le cheval ailé deviendra plus tard le symbole de la poésie.

Si vous avez apprécié de barboter dans les sources de l'inspiration, la suite devrait grandement vous ravir puisqu'il s'agira d'analyser et de découvrir pourquoi Pégase est si intimement lié aux flots (entre autre). 

Avant de vous plonger dans la suite du texte, pensez au préalable à prendre une grande goulée d'air... car nul ne sait combien de temps cette exploration durera.

L'Élémentaire aquatique :

L'affinité qu'à Pégase avec l'élément liquide n'est pas ce qu'il y a de plus évident à deviner. Pourtant le statut du cheval ailé en tant qu'Élémentaire des flots est connu de longue date.

En effet, les Grecs avaient pour habitude de symboliser les eaux et les fontaines avec le symbole du cheval (la signification du mot "Hippocrène" en est un bon exemple), c'est probablement d'ailleurs l'une des raisons qui rattache l'équidé céleste au dieu des flots Poséidon.

Selon Carl Gustav Jung (psychiatre et psychologue suisse de la fin du XIXème siècle), le coup de pied de Pégase qui permet de créer les différentes sources est une sorte de métaphore de l'acte sexuel (l'élément liquide est fortement associé à la fécondité). Il ira même plus loin dans sa démarche en qualifiant le sabot du cheval ailé de : "dispensateur de fluide fécondant" (sobriquet que j'aurai moyennement apprécié pour ma part).

Dépeint par Louis-Ferdinand-Alfred Maury (érudit français du XIXème spécialisé notamment dans l'archéologie et les langues anciennes) comme une "personnification de l'eau des sources qui s'élance et qui sourd", Pégase est à la fois attaché aux flots au cieux (le "Dictionnaire des symboles" lui donne d'ailleurs les titres de : "source ailée" et de "nuage porteur d'eau féconde"). N'est-il pas chargé de porter les foudres du père des dieux, qui s'élancent dans les airs lorsque tombe la pluie ?

L'Élémentaire céleste :

"Un coursier ailé, inlassable à la course, et qui passe dans l'air comme une rafale de vent."
- Catalogue des femmes.

Si trouver le lien entre le cheval ailé et l'élément liquide n'est pas une sinécure, découvrir ce qui l'unit avec les cieux est en revanche une tâche bien plus aisée.

Pégase
Illustration d'Alexandra Birchmore. 

Tout d'abord, vous avez déjà pu constater à maintes reprises dans cet article, que dès la naissance de Pégase, ce dernier déploie ses ailes et s'envole pour rejoindre (selon la plupart des versions) la demeure des dieux (l'Olympe). Là, il est accueilli par Zeus qui le charge de transporter ses foudres (le lien avec l'élément de l'air est ici flagrant) depuis les forges d'Héphaïstos (dieu du feu, de la forge et des volcans, qui n'a pas son pareil pour créer des ouvrages délicats et raffinés), en traversant les cieux, faisant claquer ses sabots pour produire le bruit du tonnerre.

Le cheval ailé devient alors étroitement lié au roi des dieux, devenant probablement son messager, chargé de transmettre ses missives aux différents résidents de l'Olympe.

Plus tard, il sera capturé par Bellérophon (épisode que désormais vous connaissez sur le bout des doigts) et, lorsque le présomptueux héros s'en ira embrasser le plancher des vaches, Zeus rendra Pégase immortel en le transformant en constellation.

L'équidé étoilé :

"...il jouit du ciel que jadis il cherchait à atteindre au galop de ses ailes, et il brille et scintille de ses quinze étoiles."
- Ovide.

Située dans l'hémisphère nord, la constellation de Pégase, fort complexe, est définie comme la septième plus grande constellation de par sa taille (le première place revenant bien entendu à la constellation de l'Hydre).

La transformation du cheval céleste en ribambelle d'étoiles est une sorte de faveur qui lui est accordée afin de le remercier pour ses bons et loyaux services.

Au moment où notre emplumé de service rejoint la voûte du ciel il est dit qu'une plume blanche tombe au sol à proximité d'une cité, qui prit le nom de Tarse (à l'origine un important port situé dans l'actuelle Turquie) en hommage à cet évènement peu commun (le terme grec "tarsos" désigne aussi une partie précise de la patte des oiseaux située après le "pied").

Informations complémentaires :

- Un commentateur de l'oeuvre d'Homère (poète grec du VIIIème siècle avant J.C. à qui l'on doit entre-autres l'"Iliade" et L'"Odyssée") fait de Pégase le père des Centaures (créatures mi-homme mi-cheval dont nous aurons tout le loisir de reparler plus tard), qui seraient nés, selon lui : "d'une esclave avec laquelle Ixion (le roi de la tribu des Lapithes) et le coursier des Muses eurent commerce dans la même nuit." 

- Une autre version plus tardive issue de la mythologie romaine donne au cheval ailé un autre frère (ou un fils) nommé Celeris ("rapidité"). Associé à la constellation du Petit Cheval, une variante du mythe le fait jaillir du trident de Neptune (Poséidon) lorsque ce dernier en frappe le sol en signe de contestation, pour s'opposer à Minerve (Athéna), au sujet du nom de la ville d'Athènes.

- Les astrologues qui ont analysé la constellation de Pégase disent que ceux qui naissent sous ce signe apprécient la gloire ainsi que les armes, et ils ajoutent qu'ils auront également beaucoup de talent dans le domaine de la poésie.

L'Élémentaire embrasé :

Voir Pégase lié au soleil (et plus précisément à l'élément du feu) peut paraître saugrenu au premier abord, mais, avant de tirer des conclusions hâtives, regardons les informations que nous avons sous la main d'un peu plus près.

Pégase
Pégase rayonnant de lumière (illustré par Rhads).

Le premier élément qui désigne le cheval ailé sous la bannière solaire vient de la découverte de deux vases où Bellérophon, juché sur le cheval des Muses, a la tête radiée (de par sa tête auréolée par l'astre de jour il devient une sorte d'incarnation du soleil).

Une théorie relie Bellérophon et Pégase à Hélios - Titan grec souvent confondu ou assimilé avec Apollon qui personnifie le soleil et possède un char d'or attelé de chevaux de feu. Dans la mythologie romaine il est associé à Sol et est le frère de Luna (incarnation de l'astre lunaire). Cette hypothèse est loin d'être farfelue puisqu'au sein des mythes romains, Pégase devient la monture d'Éos (voir les notes complémentaires de ce chapitre pour en savoir plus) et remplace ses destriers habituels : Phaéton ("éclatant") et Lampos ("brillant").

Une autre version de ce mythe romain fera du cheval ailé la monture occasionnelle du dieu solaire (donc Apollon ou Hélios) lorsque ce dernier n'utilise pas son char (ce qui rejoint le mythe des Muses et du mont Hélicon).

De manière plus générale, les luttes épiques qui parsèment la mythologie grecque symbolisent le concept dualiste (système religieux ou philosophique basé sur deux concepts qui s'opposent formant là une sorte d'équilibre) où s'affrontent le soleil et les ténèbres dans un conflit perpétuel.

Une thèse universitaire de 1990 fera de la victoire de Persée sur la Gorgone Méduse une sorte de mythe solaire où un Élémentaire lié à l'astre du jour, met fin au règne glacé de l'hiver. Toujours selon cette étude, les Gorgones sont liées au monde sombre d'Ouranos et résident à l'extrême orient, endroit où le soleil disparaît chaque jour. Le regard pétrifiant de la Méduse devient donc celui du gel. En coupant la tête de la créature, Persée détruit l'entité de l'hiver et permet la libération des forces solaires, incarnées par les jumeaux Pégase et Chrysaor. Les deux frères qui jaillissent de la mort hivernale et réchauffent la Terre deviennent ainsi une parfaite représentation du soleil.

Que ce soit par l'art, les mythes ou des thèses pointues et tordues, Pégase semble bel et bien lié à l'élément rougeoyant. Toutefois, le coursier ailé possède un autre rôle assez méconnu (en lien selon mes propres observations avec l'élément de la terre) qui videra de toute chaleur la plupart d'entre vous. Mais, avant de parcourir le sujet, laissez-moi vous offrir quelques...
Informations complémentaires :

- L'empereur Auguste (Caius Octavius Thurinus, sacré premier empereur de Rome vers ses dix-neuf ans) souvent associé au dieu Apollon aurait, selon la légende, été enlevé à sa mort par le cheval ailé Pégase.

- Éos est une Titanide (les Titanides sont les femelles des Titans et vu que ces dernières sont restées neutres durant la Titanomachie, elles se sont vues attribuer diverses fonctions à la fin du conflit) issue de la mythologie grecque (son équivalence romaine étant Aurore) qui personnifie le lever du jour en parcourant le ciel pour chasser la nuit. Elle annonce également la venue de son frère : Hélios (qui, comme déjà expliqué plus haut, incarne le soleil).

- Phaéton ("le brillant"), est parfois dépeint comme le fils d'Hélios (ou d'Apollon selon les versions), il sera foudroyé par Zeus pour avoir pris le char de son père (qui tire le soleil pour rappel) et failli réduire le monde en cendres.

- La Titanomachie (ou le "combat contre les Titans") raconte le conflit qui a opposé les Titans menés par Cronos et les dieux de la première génération (Zeus, Héra, Poséidon, Hadès, Déméter et Hestia) secondés par les Hécatonchires (trois Géants aux cents mains et bras) et les Cyclopes (Géants à l'oeil unique).

- Les chevaux d'Hélios, normalement au nombre de quatre (comme d'habitude les variantes sur le sujet des mythes sont légions) se nomment : Pyroïs ("enflammé"), Éoüs (ou Éuos qui pourrait se traduire par : "de l'orient"), Aéthon ("aube rayonnante" ou "le lumineux") et Phlégon ("soleil couchant" ou "qui aime la Terre").

Le passeur de mondes :

La mort... un des concepts qui en terrorise plus d'un. S'il y a bien une chose dont beaucoup se seraient volontiers passés c'est bien cette peur viscérale transmise par notre éducation judéo-chrétienne qui tend à négativer tout ce qui a trait de près ou de loin à l'au-delà...

Pégase psychopompe
Une version assez cauchemardesque de Pégase (créée par Dave Melvin) qui illustre à merveille les préjugés que nous pouvons avoir pour tout ce qui touche à la mort.

Pourtant, de nombreuses cultures ont appris à vivre en harmonie avec cet aspect de la vie, puisque l'un ne va pas sans l'autre. Les celtes par exemple, pensaient qu'il existait un Autre-Monde - l'Annwn qui sera plus tard malheureusement associé au paradis chrétien -, les nordiques rivalisaient de prouesses pour être jugés dignes d'entrer au Valhöll (et ne pas finir au Niflheim), les anciens égyptiens préparaient leur future mort par divers rituels (par le biais notamment du "Livre des morts"),... bref, les exemples sont légions et les Grecs antiques ne font pas exception à la règle.

L'archéologie à permis justement d'exhumer quantité de représentation de Pégase sans cavalier, sur des monuments et objets funéraires, ce qui laisse à penser que l'équidé ailé était vu comme une créature psychopompe (ce qui signifie littéralement : "guide des âmes").

Sa tâche principale dans cette version était donc de ramener les âmes descendues sur terre vers le soleil (le char du soleil va d'est en ouest, direction que prennent, selon certains, les vestiges des trépassés). Autre côté positif de la chose : sa représentation aux côtés du défunt héroïsait ce dernier, le faisant passer à la postérité (l'empereur Auguste n'a pas été le seul a être enlevé à sa mort par le cheval ailé, même s'il demeure le plus célèbre exemple).

De manière générale, la symbolique du cheval semble le rattacher à ce rôle de "guide des âmes". Une thèse mentionne d'ailleurs que la fonction de psychopompe des équidés est intimement liée avec leur affinité pour l'élément de l'eau, symbole de la frontière qui sépare le monde des vivants et l'au-delà.

La tâche "funeste" de Pégase peut sembler sinistre au premier abord mais en finalité elle n'est que la promesse d'un voyage sans accroc pour le défunt, probablement vers une immortalité bienheureuse (tout en laissant derrière-lui un témoignage de sa grandeur, assuré par la représentation de l'équidé céleste, gardien de son dernier lieu de repos).

Pégase Non-Mort
Un sinistre Pégase Non-Mort (illustration de Sandra Duchiewicz).

Informations complémentaires :

- Le "Livre des morts" de son vrai nom : "Livre pour Sortir au Jour" était composé à l'origine de rouleaux de papyrus qui offraient toute une série de formules et rites (qu'il fallait apprendre par coeur durant sa vie), afin de permettre au défunt de traverser en toute sécurité le royaume d'Osiris.

- Osiris, à la fois dieu et pharaon, a été assassiné par son frère Seth et ramené à la vie grâce à la magie d'Isis (divinité protectrice des pharaons, épouse d'Osiris et grande magicienne) et Nephtys (déesse protectrice des défunts). Après ces évènements, il deviendra le seigneur de l'au-delà et jugera les âmes (Ka) posées sur la balance de Maât (déesse de la justice et de la paix).

- Le Ka est l'une des cinq parties qui composent l'être de son vivant et qui survivra à sa mort sous la forme d'un double spirituel.

- Des "sarcophages" romains décorés de représentations de Pégase ont été retrouvés en Algérie, France et même en Angleterre.

L'Hippalectryon :

Suite à cette lourde succession d'explications et d'analyses, je me dois de vous dérider un brin en vous dévoilant un curieux "cousin" de notre emplumé de service (qui, vu sa nature particulière, n'a pas été présenté dans le chapitre "Les origines du coursier ailé"). Entamons donc la découverte de cette exotique créature par ceci :

"...il est le premier à fuir comme un Hippalectryon jaune, en agitant ses aigrettes ; et moi, je reste à veiller aux filets."
- Aristophane, La Paix.

Originaire des contrées de l'Asie et du peuple Hittite, notre charmant équidé s'est vu importé au coeur de la nation grecque.

Une théorie amusante prétend que l'iconographie (l'ensemble des représentations d'un même sujet) de Pégase a peut-être été influencée par celle de l'Hippalectryon - qui semble être caricaturé dans les écrits du poète comique grec Aristophane, l'extrait ci-dessus n'en est qu'une preuve flagrante.

Créature hybride issue de la Grèce Antique, l'Hippalectryon est un mélange de cheval (pour la partie antérieure) et de coq (pour la partie postérieure ainsi que les ailes, la queue et les pattes). Il porte un plumage jaune-roux selon les traductions et il n'existe pas vraiment de mythe qui lui est attaché (juste de vagues textes antiques où il est légèrement cité).

Hippalectryon
Représentation de l'Hippalectryon (si l'on oublie les couleurs et les pattes avant) par Éric Lofgren.

Plus populaire dans le domaine artistique, il existe environ quatre-vingt-cinq reliques de la Grèce à son effigie (la plus ancienne datant du IXème siècle avant J.C.). On le retrouve principalement sur des peintures sur vase, dans les sculptures (monté par un jeune cavalier désarmé) et plus rarement sur des pièces de monnaie.

Son rôle quant à lui reste assez obscur... Certains pensent cependant que Poséidon lui a confié la charge de protéger les navires comme il est décrit dans l'extrait ci-dessous :

"L'Hippalectryon jaune-brun attaché (au navire), fruit d'un laborieux travail de peinture, se répand goutte-à-goutte."
- Eschyle, Les Myrmidons.

D'autres suppositions décrivent cette créature étrange comme une bête grotesque (chacun ses goûts...) et amusante qui sert à divertir les enfants, voire encore une création fantasmagorique sans réelle fonction...

Toujours est-il que cet hybride singulier est presque tombé dans l'oubli tant son rôle était discret durant l'Antiquité. Il n'est d'ailleurs mentionné que dans quatre écrits et a peut-être été représenté dans la tragédie de Prométhée, lorsque le dieu Neptune (Poséidon) se retrouve à chevaucher un oiseau à quatre pieds (ce qui sous-entend, avec de lourds guillemets, qu'il s'agissait d'un Hippalectryon). 

Hippalectryon
 Variante assez personnelle de l'Hippalectryon.

Attardons-nous encore un moment sur l'attachante créature qu'est cet hybride cocasse en consultant les annexes ci-dessous, et reprenons notre quête de savoir en détaillant les symboles qui se sont amassés autour de notre caracolant équidé.

Informations complémentaires :

- Aristophane, Grec de son état, était un poète comique (du Vème siècle avant J.C.) dont l'oeuvre aura principalement pour but de dénoncer les frasques de certains politiciens trop portés sur la manipulation ou l'envie d'envahir leur prochain...

- "Les Myrmidons" est le titre d'une tragédie perdue rédigée par Eschyle, un acteur grec du VIème siècle avant J.C. qui serait l'un des plus grand tragédien de la Grèce Antique.

- Prométhée est un Titan qui a créé les animaux et les hommes. Il sera puni plus tard pour avoir volé le feu sacré de l'Olympe qu'il offrit aux humains.

Les symboliques de Pégase :

Notre désormais célèbre cheval ailé a su à travers les siècles s'incarner dans les quatre éléments. Durant cette chevauchée temporelle, il n'est guère surprenant qu'il se soit vu attribuer une légion de symboliques (qui se sont empilées les unes sur les autres au fil du temps) et les analyser ne sera pas superflu.

Anatomie de Pégase
Décortiquer le cheval des Muses ne sera pas une tâche facile comme en témoigne cette illustration originale de Lady Fenrys.

Ce n'est pas un hasard si Pégase s'est vu affublé du surnom de "source ailée" (terme qui unit l'air et l'eau) par le "Dictionnaire des Symboles" (que j'ai déjà évoqué dans le chapitre consacré aux flots). Les causes du choix de ce sobriquet douteux sont multiples. Au niveau de l'eau, nous pouvons déjà mentionner le lien de parenté qui l'unit avec Poséidon (dieu des mers pour rappel), son nom lié aux sources, l'endroit où il est né (les sources de l'Océan), le lieu de sa rencontre avec Bellérophon (la source Pirène) et, bien entendu, le coup de sabot magistral qui a servi à faire jaillir plusieurs points d'eau. L'élément céleste quant à lui n'est évoqué que grâce au rôle de Pégase lors de son transport de foudre (le chapitre intitulé : "Pégase et les Muses" vous renseignera sur la chose).

Les philosophes et psychanalystes qui se sont amusés à décortiquer le cheval des Muses le qualifient parfois de "nuage porteur d'eau féconde", faisant de lui le symbole de la fécondité (élément d'eau) et de l'élévation (élément d'air).

Au Moyen-Âge, notre équidé plumeux sera l'incarnation de la sagesse et surtout de la renommée pour passer ensuite, vers les Temps modernes (qui débutent vers le milieu ou la fin du XVème siècle), au rôle de source d'inspiration (principalement pour les poètes) comme vous pourrez le constater dans le chapitre qui suit...

L'inspiration ailée :

"Mon Pégase n'obéit qu'à son caprice, soit qu'il galope, ou qu'il trotte, ou qu'il vole dans le royaume des fables. Ce n'est pas une vertueuse et utile haridelle de l'écurie bourgeoise, encore moins un cheval de bataille qui sache battre la poussière et hennir pathétiquement dans le combat des partis. Non ! Les pieds de mon coursier ailé sont ferrés d'or, ses rênes sont des colliers de perles et je les laisse joyeusement flotter."
- Heinrich Heine.

Le symbole du cheval, de manière générale, représente l'impétuosité des désirs. Lorsque l'homme fusionne avec le cheval il se change en un être mythique : le Centaure (créature à torse d'homme et corps de cheval qui sera évoquée plus tard dans un autre article), qui semble lié aux instincts animaux ; au contraire de Pégase qui devient l'avatar de l'inspiration poétique (comme le souligne si bien Heinrich Heine ci-dessus).

Pégase
Création de Natalia illustrant à merveille le lien entre Pégase et l'imaginaire...

Devenu l'incarnation de l'imagination créatrice et de son élévation, l'équidé céleste permet à l'homme de se tenir éloigné du pervertissement (Bellérophon qui triomphe de la Chimère grâce à Pégase illustre bien ce concept).

Informations complémentaires :

Heinrich Heine (Christian Johann Heinrich Heine de son nom complet) fut l'un des plus grands écrivains allemands du XIXème siècle, qualifié de "dernier poète du romantisme".

- Bellérophon incarne l'ambition dévorante du pouvoir militaire désirant devenir l'autorité suprême (illustré par l'épisode que vous connaissez désormais sur le bout des doigts).

- Pégase est complémentaire (symboliquement parlant) ou s'oppose à Arion (ou Areion), le fils de Cérès (la déesse des moissons) qui prend la forme d'un cheval immortel, totalement terrestre et doué de parole (selon le poète latin Properce).

Pégase à travers les âges :

A mesure que les siècles s'égrènent, Pégase voit ses attributions et symboles évoluer petit à petit suivant les époques et les courants de pensée sans cesse fluctuants. Du Moyen-Âge aux Temps Modernes, il est lié à la sagesse et à la renommée. Au XIXème siècle, son importance dans la poésie prend le pas sur le reste (vu que la plupart des manieurs de rimes l'exaltent).

Aujourd'hui,s'il est désormais rattaché à l'ésotérisme avec son rôle de psychopompe, son lien avec l'imagination humaine demeure immuable.

Du passé lointain à nos jours :

Durant l'Antiquité, le mythe de Pégase connaîtra une large diffusion : repris par les Romains, il se verra tour à tour liée aux Muses, à Athéna, Poséidon, Zeus, Apollon, ou encore au héros Persée (par le biais d'une erreur déjà évoquée dans un chapitre antérieur).

C'est grâce à la "plume"des poètes greco -romains que le cheval des Muses laissera sa trace pour les siècles à venir. La plus antique de ces sources provient de la "Théogonie" d'Hésiode (elle aurait été écrite au IXème ou VIIIème siècle avant J.C.), qui relate son combat contre la Chimère. Vient ensuite le récit de sa naissance dans les "Métamorphoses" d'Ovide, la façon dont il est capturé par Bellérophon dans les écrits de Pindare,... bref, les sources écrites  ne manquent pas (mais, si les données sont abondantes, il est difficile cependant de leur trouver un ordre chronologique et elles ont même tendance à se contredire).

Son rôle psychopompe sera ajouté plus tard lorsqu'il sera associé à l'empereur Auguste (fils adoptif de Jules César, Rome connaîtra son âge d'or culturel sous son règne). Le cheval ailé est également l'emblème de plusieurs légions romaines comme Legio II Adiutrix, ou Legio II Augusta.

Informations complémentaires :

- Pline L'Ancien (l'écrivain et naturaliste romain, mort en 79 après J.C. lors de l'éruption de Pompéi - qu'il a voulu observer d'un peu trop près -) mentionne dans ses textes un troupeau de créatures qu'il a appelé les "chevaux ailés d'Éthiopie" (ou les Pégases d'Éthiopie) qui sera repris au Moyen-Âge dans certains bestiaires médiévaux. 

Pégase éthiopien
Version originale du Pégase éthiopien par juulinhaa.

Les équidés ailés étaient en tout points similaires à Pégase, si l'on oublie la paire de cornes qui ornaient leur tête. 

- En art antique, il existe une pléthore de supports sur lesquels Pégase a été immortalisé : céramiques, casques, assiettes, médailles, pièces de monnaie (la cité de Corinthe en avait fait son emblème monétaire au VIème siècle avant J.C.), figures ornementales,... dépeignant un nombre conséquent de scènes de la vie du plumeux de service : Pégase affrontant la Chimère (avec ou sans Bellérophon), Pégase aux côtés des Muses, la naissance du cheval ailé , sa capture,... bref, il y en a pour tous les amateurs d'équidés aviaires.

- Les plus anciennes représentations de Pégase (qui datent du VIIème siècle avant J.C.) montrent qu'il est seul à faire face à la Chimère, ce qui tend à prouver que la légende de Bellérophon est probablement un ajout tardif...

- En Corinthe (oui encore), un culte aurait été rendu à Bellérophon et Athéna (en rapport avec la pratique de l'équitation). Pindare apporte la précision que la fontaine de Pirène (considérée comme sacrée) était le théâtre de cérémonies, présidées par des prêtresses portant le nom de "Pegae" et dotées de masques de chevaux.

Pégase en héraldique :

Au Moyen-Âge, l'héraldique va se développer peu à peu sur le continent Européen. Le terme "pégase" deviendra alors un nom commun (donc cette "vulgarisation" du cheval ailé est bien antérieure au rôlisme) qui servira à désigner la figure héraldique de l'équidé céleste (en tout point similaire aux descriptions de l'Antiquité).

En France, le cheval des Muses est le symbole du département de la Mayenne (dans le nord, au sein de la région Pays de la Loire) en Italie, il est représenté sur le drapeau de la région de Toscane (dont la ville principale est : Florence) et en Angleterre, il figure sur les armoiries de l'Inner Temple et de Robinson College (l'un des trente et un collèges de l'université de Cambridge).

Informations complémentaires :

- Pour ceux qui ignorent ce qu'est l'héraldique, il s'agit d'un système d'identification qui se servait des blasons et armoiries. Ce moyen d'expression artistique s'était développé en Europe (vers le XIIème siècle) et permettait d'identifier les nobles, les lignées ou même des corporations et villes.

De nos jours, l'héraldique est devenue également un terme qui désigne l'étude de toutes ces armoiries.

- L'Inner Temple est l'une des quatre "Inns of Court" (littéralement : "auberge de la Cour") toutes basées à Londres (Angleterre).

Le nom de l'Inner Temple vient du fait que certaines parties des bâtiments étaient installées dans les locaux de l'"Église du Temple" (Temple Church) où l'on peut y admirer de superbes gisants de chevaliers en marbre (sans oublier le fameux blason où Pégase se trouve en bas à gauche, faisant face à un Griffon).

- Les "Inns of Court" ont été fondées au XIIème siècle par les Templiers anglais (ordre religieux militaire qui a été exterminé - selon les dires - par le roi de France Philippe IV le Bel, qui aurait agi par peur que les Templiers ne deviennent trop puissants et pour s'approprier leur trésor).

Plus tard, les bâtiments seront donnés à l'ordre de saint-Jean de Jérusalem (appelés plus sobrement : "les hospitaliers") qui loueront en 1312 les locaux de Temple Church à deux universités d'avocats (l'"Inner Temple" et "Middle Temple") qui se partagent l'édifice.

À ce jour, les "Inns of Court" désignent les institutions de formation professionnelle pour les avocats plaideurs (barristers) à Londres.

Pégase médiéval
Pégase dans une version médiévale (illustrée par MEYERanek).

Quand la croix s'en mêle :

L'arrivée du christianisme en occident relèguera cette fabuleuse créature au rang de tradition "païenne" antérieure (pour changer tiens...). L'évhémérisme chrétien - "merveilleuse" invention (notez que je dégouline de sarcasme...) qui fait des dieux et héros de simples mortels afin de diminuer l'importance de ces derniers face à la religion chrétienne - relèguera Bellérophon au rang de simple mortel à l'aide d'arguments peu crédibles comme celui-ci :

"les démons racontent que Bellérophon, homme et fils des hommes, monta au ciel sur le cheval Pégase".

Notez la tentative peu convaincante de diaboliser le mythe par le biais des Démons.

Informations complémentaires :

- Le terme "Démon" vient du grec ancien ("daemon"). Il est à noter que les Démons (de la Grèce Antique) étaient considérés comme des divinités aux capacités plus "modestes" que celles des résidents de l'Olympe. Leur rôle principal était de servir d'intermédiaires entre les dieux et les hommes, comme le souligne Platon en ces termes :

" Tout ce qui est Démon tient le milieu entre les dieux et les mortels".
- Platon.

Qu'il complètera de ces quelques mots (à l'attention de son compère Socrate) :

"Il a donc raison, lui et beaucoup d'autres poètes, qui disent qu'à sa mort un homme de bien obtient une haute destinée et de grands honneurs et qu'il devient Démon..."
- Platon.

Nous sommes donc bien loin du cliché où des types en pyjamas rouges brandissent des fourchettes pour piquer le fondement rebondi des pêcheurs voués aux flammes...

Il semble donc que les "sinistres" Démons soient en fait des divinités mineures, des protecteurs des mortels, ou même des Élémentaires.

Ce sera pour moi une joie d'explorer ce sujet en votre compagnie, mais, ceci est une autre histoire...

Conclusion :

Vu au départ comme un cheval ailé "banal", Pégase se révèle être une merveilleuse créature aux multiples rôles. Incarnation des éléments, quintessence des mythes d'Asie, porteur de foudre, véhicule de l'inspiration et de l'imaginaire, guide des âmes,... Chaque aspect de son être nous montre une entité lumineuse qui a su évoluer pour éviter les ravages du temps et de l'oubli.

Puisse-t-il déployer ses ravissantes ailes encore longtemps pour nous ouvrir les portes de l'imaginaire et du rêve.

Pégase médiéval

Annexes :

Littérature :

- Vers le XVème siècle, Pégase deviendra le symbole de la poésie (et de l'inspiration poétique par extension). Décrit comme "l'allié des poètes qu'il assiste quels que soient leurs écrits" (citation de Philippe Dain), sa popularité s'étendra au point que les Muses seront parfois surnommées : "Pégasides" ("de la source Hippocrène").

Cette nouvelle symbolique donnera naissance à des expressions littéraires plutôt imagées telle que : "enfourcher Pégase" (avoir de l'inspiration) ou son contraire : "son Pégase est rétif" (qui désigne les poètes médiocres).

Devenu source d'inspiration, Pégase se verra attribuer une place de choix dans de nombreux recueils et textes de la littérature. Voltaire (François Marie Arouet de son vrai nom, était un célèbre écrivain et philosophe français qui a su marquer le XVIIIème siècle par son combat contre le fanatisme religieux), Victor Hugo (poète dramaturge romancier à ses heures et considéré comme l'un des plus grands écrivains du XIXème siècle), Honoré de Balzac (auteur français du XIXème siècle, aux multiples activités et à qui l'on doit près de 91 romans ou nouvelles) et... Heinrich Heine (dont vous pourrez trouver la description dans les : "Les symboliques de Pégase"), pour ne citer qu'eux, rendront tous un petit hommage au cheval ailé, peut-être pour le remercier de l'inspiration qu'il leur a apporté.

- Dans la "Trilogie des Lames du Chasseur" (écrite par R. A. Salvatore, la première partie de cette épopée sera publiée en 2002) qui comprend : "Les Mille Orques", "Le Drow Solitaire", "Les deux Épées", Drizzt l'Elfe noir, fait la rencontre d'Innovindil et Tarathiel, un couple d'Elfes de lune qui ont pour montures des Pégases nommés : Soleil-levant et Soleil-couchant (des jumeaux). Ensembles ils freineront l'avancée inexorable de l'armée Orque commandée par le roi Obould des Flèches.

Pégase
Version rôlistique classique de Pégase (créée par Jian Guo).

- Dragonlance (Lancedragon en français) est une série de romans (créés en 1984 par Tracy Hickman) inspirés de l'univers de Donjons et Dragons.

Au cours de l'histoire, le premier personnage principal féminin appelé Goldmoon (Lunedor) - une princesse barbare -, voyagera vers la cité en ruine de Xak Tsaroth sur le dos d'un Pégase.

Cette scène sera illustrée dans la peinture intitulée : "Flight from Darkenwood" (peinte en 1987 par Clyde Caldwell) pour le calendrier Dragonlance.

- Les "livres-jeux" appelés plus communément : "Livres dont vous êtes le héros" (qui ont connu le succès grâce au merveilleux travail de Steve Jackson et Ian Livingstone), nous plongent dans une multitude d'univers divers et variés dont beaucoup arborent les couleurs de l'héroïc-fantasy.

Dans l'un d'eux - "Un livre dont vous êtes le héros - Défis Fantastiques - La sorcière des Neiges" (écrit par Ian Livingstone) -, lors de la dernière partie de la quête, le héros sera victime d'un sortilège néfaste ayant pour but son trépas sur le très court-terme. 

Sa seule chance d'en réchapper est d'aller consulter un guérisseur caché au fond d'une grotte qui, après toute une série d'épreuve tordues et éprouvantes, demandera au défenseur de la veuve et de l'orphelin occasionnel, d'atteindre le sommet de la Montagne de Feu (si le nom de Zagor ne vous dit rien, consultez la trilogie suivante : "Le sorcier de la Montagne de Feu", "Retour à la Montagne de Feu" et "La légende de Zagor"... histoire de faire votre culture rôlistique) avant que le jour ne se lève pour briser la malédiction. 

Avant de partir, le guérisseur demandera au héros si ce dernier possède un objet en argent, dans le cas improbable ou le pourfendeur de monstres a ramassé un tel bibelot, le vieillard sifflera dans ses doigts pour appeler un Cheval Volant (pas la peine de vous dire le lien entre cet équidé et Pégase) qui emmènera le héros directement au sommet de la Montagne de Feu moyennant son petit paiement (ce qui est en gros la solution de facilité pour éviter une kyrielle d'autres fâcheuses rencontres qui lui donneront des crampes à force de mouliner de la lame).

Pégase Non-Mort
Les jeux de rôles ont permis l'apparition d'une multitude de variantes des créatures mythiques (comme ce Pégase Non-Mort illustré par Maciej Kuciara).

- Dans le "Manuel des Monstres édition 3.5" (Donjons et Dragons), Pégase est vu comme une créature "commune" et est décrit comme tel :

"Le pégase est un fabuleux cheval ailé qui défend parfois la cause du Bien. Bien que très recherché comme monture volante, il est naturellement sauvage et difficile à apprivoiser.

Quand deux pégases s'unissent, c'est pour la vie. Ils bâtissent leur nid dans un endroit élevé ou reculé.

Le pégase fait généralement 1,80 mètres au garrot, pour une envergure de 6 mètres et un poids de 750 kilos. Certaines rumeurs font état d'individus bruns ou noirs."

- Magic the Gathering (le jeu de cartes bien connu) a offert à Pégase l'occasion de faire quelques petites apparitions discrètes au sein de son univers.

Exclusivement associé au Mana blanc (magie bienfaisante axée principalement sur la guérison, la défense et les créatures volantes) le cheval ailé, accompagné par ses pairs, sillonnera les cieux de Dominaria (plan d'existence majeur dans l'histoire de Magic où s'est déroulée notamment "l'invasion Phyrexiane"), se faufilera entre les tours et bâtiments étroits des rues de Ravnica (un monde entièrement recouvert par une cité sous la coupe de dix guildes qui régissent les différentes activités de la gigapole) et, plus récemment, il arpentera les vertes collines de Théros (plan d'existence basé sur la mythologie grecque).

Ruée des pégases
Illustration tirée de la carte Magic portant le nom de : "Ruée des pégases" (créée par Mark Zug).

En bref nous pouvons plus ou moins citer : le "Pégase de Mesa", le "Pégase cuirassé", le "Pégase de bataille", le "Pégase à plaques", le "Pégase du front de l'orage", le "Pégase de Concordia", et enfin le "Pégase de cavalerie" dans la liste des cartes où le cheval ailé est représenté.

Jeux-vidéos :

- On peut trouver Pégase dans le jeu God of War II sous les traits d'un cheval ailé noirâtre avec les ailes, les sabots et la queue nimbés de flammes.

Kratos (le héros) devra le chevaucher afin d'atteindre l'Ile de la Création (pour trouver les Soeurs du Destin qui sont bien évidemment les Moires Grecques).

En cours de route, il sera attaqué par des corbeaux et des créatures montées sur des Griffons (la rencontre improbable entre un lion et un aigle) menés par le Cavalier Noir - un être hybride à la peau sombre et engoncé dans une armure dorée, il est également juché sur un énorme Griffon dont les couleurs tirent entre le vert et le violet (certains pensent qu'il s'agit d'une représentation de Bellérophon vu que le guerrier manie également une lance) -, ce qui forcera les deux compagnons à faire un détour vers l'Antre du Titan où le maître des lieux : Typhon (fils de Gaïa et divinité primordiale malfaisante) capturera Pégase entre son poing en guise d'accueil.

Une fois le cheval ailé délivré des griffes du colosse, Kratos reprendra sa route vers l'île mais le Cavalier Noir et ses suivants lui barreront à la route une fois encore.

Après avoir démoli la plupart des Griffons, Kratos et le Cavalier entameront un duel aérien où Pégase sera frappé par la monture de l'ennemi obligeant notre héros à bondir sur son adversaire, laissant l'équidé céleste tournoyer piteusement vers le sol (Pégase ne sera plus revu dans la série, ce qui laisse à penser qu'il est soit mort, soit trop amoché pour voler).

Pégase God of War 2
Artwork de Pégase dans God of War II.

Pour ceux qui ne connaissent pas la licence, God of War vous fait incarner Kratos, un jeune capitaine de l'armée spartiate (originaires de la ville de Sparte, ces combattants d'exception étaient entraînés à la dure dès l'âge de sept ans afin de les rendre plus résistants, efficaces et obéissants) qui, après maintes victoires devient le meneur d'une troupe nombreuse.

Sa soif de conquêtes connaîtra cependant une fin prématurée lorsqu'il croisera la route des barbares de l'Est. Vaincu, Kratos implorera le dieu Arès (divinité grecque de la guerre et de la destruction) de lui accorder la victoire en échange de son âme, une proposition qu'acceptera volontiers la divinité en balayant les ennemis du champ de bataille.

Devenu le champion du dieu des conflits, Kratos et son armée auront pour mission de détruire un village dédié à la rivale d'Arès (Athéna). Lorsque la poussière des combats retombe, le champion du dieu de la guerre découvre qu'il a assassiné sa femme et ses enfants (un crime mis en scène par Arès à dessein de le rendre plus efficace en coupant tous les liens émotionnels qui auraient pu le distraire), et honteux, il se met au service des autres dieux afin d'expier ses crimes (un peu comme Héraclès), laissant sa haine pour le dieu de la guerre couver.

- Le tactical RPG Fire Emblem (voir plus bas pour plus de précisions) est pourvu de plusieurs unités associées à Pégase.

Les Chevaliers Pégases sont des combattantes (oui cette classe est réservée exclusivement aux femmes) qui se déplacent à dos de chevaux ailés. Ces unités qui manient la lance sont très mobiles (elles peuvent passer par-dessus les obstacles), disposent d'une grande résistance à la magie mais tombent comme des pierre dès qu'un archer arrive à faire mouche.

Les Chevaliers Faucons et Chevaliers Pégases Noirs sont des versions évoluées (dès que le personnage à le niveau suffisant et l'objet requis) de l'unité de base. La première classe permet de manier les bâtons (magie curative) en plus de la lance (du moins pour la version la plus récente du jeu) et la seconde dispose de la capacité d'utiliser les tomes (pour lancer des sorts offensifs).

Fire Emblem est une série de jeux de stratégie qui se déroulent dans un univers médiéval-fantastique où vivent principalement des humains - ainsi que d'autres races plus discrètes telle que celle des homme-Dragons Manakete ou encore celle des homme-lapins Tagüels (non ce n'est pas une blague).   

À l'origine, les Fire Emblem ne sortaient qu'au Japon. Plus tard, le jeu de combat "Super Smash Bros Melee" popularisera la licence en occident offrant à Nintendo l'occasion d'exporter cette série à l'étranger.

Dans ce type de jeu, vous incarnez un tacticien qui offrira ses services à de jeunes héros (souvent membres de la famille royale). Au fil de l'aventure vous recruterez de nouvelles unités qui viendront renforcer votre groupe (qui vers la conclusion prendra des allures d'armée).

Le bataille se déroule au tour par tour sur une sorte de damier où vous devrez déterminer quel personnage déplacer (suivant sa mobilité), protéger, ou quel ennemi attaquer (ce qui rappelle un peu le jeu de go chinois). Une fois votre tour fini, l'I.A. (intelligence artificielle) du jeu déplacera à son tour ses unités et le combat se poursuivra jusqu'à votre victoire (détruire le chef du groupe, prendre une place forte, protéger une unité spéciale, survivre,...)... ou votre défaite (si toutes vos unités sont vaincues ou si l'un de vos leaders se fait trucider).

En plus du mécanisme de base du jeu, il faudra prendre en compte : la diversité des unités (volantes, magiques, combattantes, de soin,...), le type de terrain (plaine, forêt, désert, montagne,...), de temps (pluie, brouillard), l'arme que vous ou votre adversaire maniez,... bref, tous ces petits paramètres qui feront de ce jeu un véritable bijou de stratégie.

Il ne faut pas oublier cependant, que ce jeu est considéré comme très difficile dans son mode "classique". En effet, si l'une de vos unités se fait tuer, cette dernière mourra pour de bon. Donc, évitez de sauvegarder si vous perdez trop d'hommes... histoire de ne pas terminer seul contre une troupe armée jusqu'aux gencives...

- Sorti en 1997 sur PSX et directement inspiré du film d'animation du même nom (à voir dans les annexes sur les films) Hercule (un jeu de type action) nous mettra dans la peau du héros grec bien connu.

Au fil de l'aventure, il sera possible de croiser Pégase - son compagnon de route (précisons qu'Héraclès ne s'est jamais retrouvé entre les sabots du cheval ailé) - dans les décors d'arrière-plan de certains niveaux et même de le chevaucher pour le level intitulé : "La fureur des Titans" (qui se jouera comme un shoot them up). Le but sera de survivre en évitant l'attaque des quatre Titans pour rejoindre et délivrer Zeus.

- Age of Mythology sorti en 2002 sur PC, est un jeu de stratégie en temps réel. Le principe de base est de collecter des ressources afin de construire des bâtiments, d'évoluer mais surtout de constituer une armée pour se défendre (et détruire les troupes adverses).

Ceux qui décident de se ranger sous la bannière grecque (les dieux nordiques et égyptiens sont aussi de la partie) pourront envoyer des Pégases en guise d'éclaireurs. L'unité en elle-même est incapable d'attaquer mais elle peut voler par-dessus les falaises et traverser les points d'eau.

Pégase de Concordia
Pégase de Concordia (par Winona Nelson) apparu dans l'édition de base : "Retour sur Ravnica" (du jeu de cartes Magic the Gathering).

- Heroes of Might and Magic III - jeu de stratégie (oui encore un) au tour par tour -, sorti sur les PC en 1999, nous offre la possibilité d'envoyer (ou de combattre) des Pégases et Pégases d'argent.

La particularité principale de ces créatures est de gêner le lancement des sorts adverses (il doivent payer des points de ressources en plus pour les envoyer) lorsqu'ils sont présents durant le combat.

- Castlevania 64 et Castlevania Legacy of Darkness (sorti en 1999 pour le premier et en 2000 pour le second) nous offrent une version plus ou moins étrange du Pégase... En effet, après avoir vaincu Gilles de Rais, le héros (Reinhardt Schneider ou Carrie Fernandez selon celui ou celle que vous choisissez d'incarner) devra fuir la zone qui s'effondre peu à peu.

Suite à cette folle galopade improvisée, Malus - réincarnation de Dracula sous la forme d'un enfant. Le fait d'avoir vaincu Gilles de Rais a permis de libérer l'esprit en sommeil de Vlad Tepes - vous décoche une flèche qui vous frôle de peu puis s'enfuit au loin sur sa monture (un mélange entre une Licorne noire aux yeux de braise et un Pégase aux ailes de chiroptère).

Arrivé au sommet d'une tourelle, Malus, toujours juché sur le Pégase noir, vous révèle son identité avant de vous affronter sous sa véritable forme (il se métamorphosera dans un halo de lumière et l'étrange cheval ailé disparaitra comme par magie).

Juste pour votre culture, le personnage historique de Gilles de Rais est un seigneur Breton. Héros de la guerre de Cent Ans (conflit qui aura opposé la France et l'Angleterre de 1337 à 1453), maréchal de France et ami de Jeanne d'Arc. Après le décès de cette dernière, Gilles va dilapider sa fortune à droite et à gauche et il tentera par divers moyen malsains de renflouer les caisses (mener diverses expériences alchimiques et tenter d'obtenir les faveurs des Démons... entre autres).

En 1440 le héros déchu est condamné par un tribunal ecclésiastique pour hérésie, sodomie (je rappelle qu'à l'époque l'homosexualité était punie sévèrement... on pouvait se faire emprisonner, torturer voire encore finir au barbecue) et accessoirement aussi pour les meurtres de "cent quarante enfants, ou plus". Finalement, il sera pendu puis partiellement brûlé avec ses complices. Des siècles plus tard, on fera souvent référence à Gilles de Rais comme étant le "Barbe-Bleue" Français (conte populaire basé sur le mythe de l'Ogre).

Pégase
Autre illustration d'Alexandra Birchmore.

- Link, le personnage emblématique des jeux : "The Legend of Zelda", portera dans de nombreuses aventures ("A Link to the Past", "Link's Awekening", "Four Swords", "The Minish Cap", "Four Swords Adventures" et bien entendu, le très récent et magnifique : "A Link Between Worlds") une paire de bottes magiques (dotées de petites ailes au niveau des talons) appelées les "Bottes de Pégase" ("Pegasus Boots" en anglais). Ces dernières auront comme effet principal de permettre à Link de charger droit devant lui (épée tendue vers l'avant) pour empaler ses adversaires ou grimper une pente.

Films :

- S'il y a bien un film que presque tout le monde connaît (pour l'avoir vu ou entraperçu), c'est bien le classique du cinéma intitulé : "Le Choc des Titans" (sorte de péplum mythologique sorti en 1981 et réalisé par Desmond Davis). Ce film (dont les effets spéciaux en image par image ont constitué le dernier travail de l'illustre Ray Harryhausen) est connu pour avoir assez bien remanié les légendes de la Grèce Antique, notamment en y important le Kraken nordique (parlons ici plutôt d'une créature qui n'a de Kraken que le nom).

Pégase jouera (bien évidemment) son propre rôle dans cette oeuvre cinématographique mais avec quelques "légères" modifications... Le cheval est ici décrit comme le dernier représentant de son espèce. À l'origine, l'équidé céleste faisait partie d'un troupeau appartenant à Zeus mais les chevaux plumeux se feront tous massacrer par Calibos - le fils de Thétis - (dont les multiples crimes provoqueront la colère du père des dieux, qui le changera en monstre difforme pour le punir de ses odieux forfaits) -, à l'exception de Pégase.

Dans l'histoire, Persée (le héros) capturera le cheval ailé (en se rendant invisible) bien avant son combat contre la Gorgone Méduse. Une fois l'infortunée décapitée, il affrontera à dos de Pégase le Kraken pour délivrer Andromède des griffes de la créature marine (ce qui correspond fortement à l'épisode erroné cité dans le chapitre intitulé : "Persée et Pégase").

Ray Harryhausen (décédé en 2013) est parfois considéré comme le père de l'animation image par image (appelée aussi animation en volume), on lui doit notamment : "L'Île Mystérieuse", "Jason et les Argonautes", "Le Voyage Fantastique de Sinbad" et bien entendu "Le Choc des Titans" (qui sera sa dernière contribution au monde cinématographique).

- Un remake du film : "Le Choc des Titans" (portant le même nom) est apparu en 2010 (voulant probablement surfer sur la vague lointaine du succès de son prédécesseur) et a connu un certain commercial - malgré les nombreuses critiques du public et de la presse au sujet de la légèreté du scénario, une mauvaise utilisation de la 3D, sans oublier la douteuse idée de conférer aux armures des dieux le brillant d'une boule disco (en hommage à l'anime Saint Seiya) ou d'y incorporer des valeurs judéo-chrétiennes (qui n'ont rien à faire là au passage) dans une histoire basée sur la mythologie grecque (avec ce genre d'ajouts il ne faut pas s'étonner si beaucoup de gens croient encore que les celtes portaient des casques ailés et vidaient la moitié de la forêt à chaque banquet pour baffrer du sanglier)...

Au niveau de notre emplumé de service, Persée découvrira dans une clairière un troupeau entier de chevaux ailés (des femelles de couleur blanche) qu'il aura peu le loisir d'admirer puisque Pégase (entièrement noir et considéré comme le plus beau représentant de son espèce) se dressera face à lui. Inutile de vous raconter la suite, vous vous doutez que le cheval des Muses reprendra du service en tant que monture de héros.

Il existe une scène finale coupée au montage, où l'on peut voir Persée qui monte vers l'Olympe sur le dos d'une version altérée de Pégase (dotée d'ailes de chauve-souris).

Pégase noir
Pégase noir illustré par Skye-Fyre.

- Troisième long-métrage des studios Disney (que je vous conseille vivement de regarder) sorti en 1940, Fantasia avait pour but de faire découvrir et apprécier la musique classique aux enfants. La cinquième partie - qui se déroule sur l'air de la "Symphonie Pastorale" (ou "Symphonie numéro six") du compositeur Ludwig van Beethoven - met en scène la mythologie grecque avec ses dieux et créatures fantastiques. Pégase y aura une place de choix et sera présenté sous les traits d'une famille de chevaux ailés aux couleurs variées (le père aussi noir que l'ébène, la mère, blanche aux ailes dorées et pour les trois petits, le premier sera rose, le second bleu et le dernier noir avec la crinière blanche) dont nous verront de temps à autre les mésaventures.

- Créé par Zeus à partir d'une goutte de cirrus, d'une larme de nimbostratus et d'un nuage de cumulus, Pégase devient le compagnon d'Hercule dans le long-métrage du même nom (je rappelle que ces deux personnages ne se sont jamais croisés dans la mythologie). Représenté comme un équidé ailé blanc avec une crinière bleutée en brosse, l'illustre emplumé est vu comme un magnifique cheval... avec une cervelle d'oiseau (notez qu'il est prouvé que certains oiseaux sont dotés d'un intellect fort développé).

Sorti en 1997, Hercule (une fois encore des studios Disney) raconte les exploits de notre héros désormais bien connu. Pour ce film, de très grandes libertés ont été prises au niveau du scénario (au point que les Grecs ont manifesté dans la rue pour ce "massacre" de leur mythologie), en fait il faut savoir que ce long-métrage s'est fortement inspiré de la vie du King (Elvis Presley pour ceux qui n'ont pas connu).

- Dans "Le retour de Jafar" (qui est la suite du film d'animation de Disney : Aladdin), le héros se retrouve confronté à Abis Mal (caricature de voleur incompétent au nom très suggestif) aidé par le Génie Jafar qui s'est changé pour l'occasion en une troupe de cavaliers juchés sur des chevaux noirs.

Suivant un plan bien défini, les avatars de Jafar captureront le sultan puis s'élanceront au bas d'une cascade en déployant pour chacun une paire d'ailes de chiroptères (ordre qui regroupe les chauve-souris) afin de s'élancer dans les airs (ce qui nous donne une version sombre mais ressemblante de Pégase).

Pour ceux que ça intéresse, le premier film d'animation de 1992 est fortement basé sur un autre film (beaucoup moins populaire) intitulé : "Le voleur et le cordonnier" (The Thief and the Cobbler) dont la réalisation à démarré dans les années soixante pour se terminer en 1995 (ce qui lui a valu le record du plus long tournage jamais fait).

Autre anecdote sur le sujet, Aladdin est le héros du conte arabo-perse : "Histoire d'Aladdin ou la Lampe merveilleuse" (dont il existe plusieurs variantes) qui a été ajouté tardivement à l'ouvrage bien connu, intitulé les "Mille et Une Nuits".

Pégase
Petite dernière création (et non des moindres) d'April Schumacher.

- Réalisé par Sam Raimi (la trilogie Evil Dead ou les Spiderman) et sorti en 2013, "Le Monde fantastique d'Oz" ("Oz the Great and Powerful") est une sorte de prequel du film musical : "Le Magicien d'Oz" (sorti en 1939 et basé sur le roman de Lyman Franck Baum).

Dans le film, Oscar Diggs (le héros) est mené jusqu'à la salle du trésor et, en sus d'une pile de babioles chatoyantes et miroitantes, on peut voir au centre de la pièce, une immense statue de Pégase en "or" qui déploie majestueusement ses ailes.

Outre cela, je me permet une petite parenthèse pour vous dire que le film est beau visuellement (quoiqu'assez chargé niveau couleurs flashy) et qu'il y a quelques idées originales qui rendent bien. Par-contre, le jeu d'acteur est tellement lourd (ils en font des caisses du début à la fin) qu'il gâche fortement la séance (au point que je me suis demandé s'il était possible de prendre davantage les enfants pour des idiots).

Très franchement je vous recommanderai plus de tenter de trouver "Oz, un monde extraordinaire" ("Return to Oz") que d'aller voir ce film. L'intrigue est moins prévisible, l'univers est plus sombre, il y a quelques moments angoissants et, même si les effets spéciaux ont vieilli, ça reste un film à voir (cette parenthèse entière n'est que mon humble avis, donc inutile de "monter sur vos grands chevaux", je ne suis pas non-plus la sacro-sainte vérité).

Un prequel (ou une préquelle) est une création littéraire, cinématographique, vidéoludique,... qui se situe avant l'oeuvre originelle mais qui a été réalisé après cette dernière (la plupart des critiques de cinéma vous diront que le mot "prequel" est signe de danger pour vos neurones, surtout si ce dernier est associé au terme "3D" mais, traiter ce sujet n'est pas de mon ressort.

- Saint Seiya (appelé "Les Chevaliers du Zodiaque" en français), le manga de Masami Kurumada adapté à la télévision, raconte les péripéties des "Chevaliers d'Athéna" (dans cette épopée, la déesse en question doit couver un sérieux syndrome de Stockholm pour se laisser capturer tous les quinze épisodes) dont Seiya, le Chevalier de Bronze, qui porte l'Armure de Pégase.

- Mon plaisir coupable (parmi tant d'autres) est de regarder de temps en temps un nanar cinématographique afin de rire aux éclats. Pegasus vs Chimera en est un "parfait" exemple. Voici le scénario de base :

"Dans la Grèce antique, le roi démoniaque Orthos n'a qu'une idée en tête, détruire le royaume voisin. Il invoque une Chimère pour trouver et tuer la princesse Philony et tous les défenseurs de ce royaume. Mais c'est sans compter sur le guerrier Belleros, la sorcière Mayda et le puissant cheval ailé Pegasus qui feront tout pour empêcher cela."

J'ai pour habitude de tenter de fournir de bonnes références du sujet traité, mais là c'était trop tentant. Que dire sinon que le résumé parle de lui-même. Pégasus vs Chimera ou comment massacrer la mythologie avec des rajouts douteux, un scénario peu inspiré, des acteurs qui semblent plus préoccupés par le chèque de fin de tournage que par leurs performances, des décors et costumes piochés à la cour des miracles, des effets spéciaux inégaux qui ne peuvent guère prétendre viser la crédibilité (dans les airs Pégase est doté d'ailes mais dès qu'il est au sol elles se volatilisent... magie ou souci d'économie ?)... bref, si vous souhaitez voir le combat épique entre Pégase et la Chimère, lisez plutôt les récits antiques. Par-contre, si vous souhaitez vous fendre la poire à peu de frais, ce film est fait pour vous.

Bellérophon contre la Chimère
Ne vous attendez pas à avoir cette scène sous les yeux avec ce film (création de Marc Camelbeke)...

Divers :

- Dans le domaine de la publicité, Pégase est le logo de la société de production de films : "TriStar Pictures" mais également celui des constructeurs de camions "Pegaso" et des éditions du "Reader's Digest" (jusqu'en 2007). Il existe bien entendu d'autres exemples mais, si vous souhaitez en trouver, je vous laisse faire vos propres recherches.

- Vers 1965, la NASA a fait construire une série de trois satellites appelés : "Pegasus", envoyés ensuite dans l'espace afin d'étudier les micrométéorites (minuscule météorites faisant moins d'un centimètre de long et pesant moins d'un gramme).

À l'image de la créature mythologique dont ils portent le nom, ces satellites sont dotés d'une paire d'"ailes" (des long panneaux séparés en une multitude de sections qui servent principalement à détecter les impacts des micrométéorites).

Idraemir

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